Agir sans délai afin d’éviter une nouvelle guerre au Burundi
Opinion

@rib News, 05/12/2011

Une nouvelle guerre est-elle inéluctable au Burundi ?

Par Buyagu Auguste.

Le peuple burundais est sans doute un de ceux qui ont le plus souffert de violence de toutes sortes depuis l’indépendance. Nous avons connu des jacqueries, des pogroms, des massacres, le génocide, la guerre, des camps de concentration, etc., etc.

Et le dernier mouvement de guérilla qui était né dans les années 80 n’a déposé les armes qu’en 2009. Les Burundais commençaient à peine savourer les bienfaits de la paix.

Malheureusement, après le fiasco électoral de 2010, la tension est allée crescendo. Les protestations des partis de l’opposition contre la fraude électorale ont été suivies par une répression atroce du pouvoir : des arrestations, de la torture, des exécutions sommaires dans des conditions parfois dignes de la barbarie.

La dernière cruauté a consisté en la décapitation du militant du parti MSD, Bukuru Léandre. Arrêté quelques heures plutôt par la police, sa tête a été retrouvée dans une latrine, à des kilomètres du reste du corps. L’opposition politique est bâillonnée, les médias et la société civile sont quotidiennement  harcelés. 

Malgré les dénégations du pouvoir CNDD-FDD, des organisations se réclamant de la lutte armée se déclarent et les médias nationaux et internationaux font état des affrontements armés entre d’un côté l’armée, la police et la milice Imbonerakure et de l’autre côté des combattants armés.

Face à un pouvoir considéré par de nombreux burundais comme illégitime et illégal, répressif, corrompu et de plus en plus sanguinaire, certains compatriotes semblent avoir décidé de recourir à la lutte armée.

Mais cette guerre est–elle inéluctable ?

Le peuple burundais a trop souffert de la guerre ; il est plus qu’urgent d’en éviter une nouvelle qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur l’ensemble des pays des grands lacs. Il faudrait que les uns et les autres s’investissent véritablement pour la paix sans calculs politiciens ou géostratégiques.

Le rôle de la  Communauté Internationale.

La Communauté Internationale avait joué un grand rôle dans les accords d’Arusha qui avaient permis aux burundais de trouver un modus vivendi. Mais après la prise du pouvoir par le CNDD-FDD en 2005,  cette même Communauté a pris une attitude plus que bienveillante  vis-à-vis du pouvoir Nkurunziza. Ce dernier a eu la tentation de la plupart des dirigeants africains : la confiscation du pouvoir au profit d’un petit clan qui l’entoure et ceci par tous les moyens. La violation des lois, dont la constitution est devenue habituelle, la corruption des oligarques du pouvoir une compétition,  et la répression des voix discordantes une activité source de promotion.

Les élections de 2010 devaient donner un habillage démocratique d’un pouvoir de plus en plus autocratique.

La Communauté Internationale semble avoir été déçue par l’attitude de l’opposition qui a refusé d’être le dindon de la « farce démocratique ». Aussi, malgré quelques dénonciations des bouts de lèvres, elle semble avoir laissé Nkurunziza réprimer de plus en plus violemment  les opposants.

Malgré le crépitement d’armes dans la forêt de la Ruvubu à l’Est du pays et dans la plaine de la Rusizi à l’Ouest, la guerre peut être étouffée dans l’œuf. A condition que la Communauté Internationale qui finance plus de 50% du budget de l’Etat exerce  davantage de pression sur le pouvoir de Bujumbura. La suspension de toute aide budgétaire, le refus des visas pour les dignitaires du pouvoir, l’embargo sur les armes, la condamnation sans faux fuyant de la répression sont des mesures qui pourraient pousser Nkurunziza et son parti à un peu plus de modération.

Est-il logique de demander aux leaders de l’opposition de rester zens pendant que leurs militants sont extraits de leurs foyers pour être mitraillés ou décapités. Ces leaders  étaient pour la plupart des jeunes élèves ou étudiants en 1972. Ils  n’ont certainement pas encore oublié qu’à l’époque des centaines de milliers de personnes se sont laissées arrêter parce que innocentes  espérant que justice devait être rendue.

Elles ont été massacrées et enfouies dans d’innombrables fausses communes qui jonchent nos milles collines. Quand l’on constate que les méthodes actuelles du CNDD-FDD ressemblent étrangement à celles de son allié UPRONA en 1972, c’est une catastrophe qui s’annonce  si la population se laisse  passivement massacrée.  

Le rôle de NKURUNZIZA et le CNDD-FDD.

Quoi qu’il en soit, Nkurunziza est président de la République, et le CNDD-FDD est le parti au pouvoir. Ils ont donc la responsabilité de gérer le pays : ils sont comptables de la misère et de l’insécurité qui assaillent la population. Ils savent mieux que quiconque que si demain la guérilla s’intensifie, ils ne pourront jamais la vaincre. La misère et les maladies vont encore une fois  décimer la population

A supposer que Nkurunziza et son parti aient gagné les élections de 2010 de façon démocratique, cela leur donne-t-il  le droit de « génocider » le peuple qui les a élus ? Cela leur donne-t-il  le droit de s’approprier toutes les richesses du pays ? Le Monde a-t-il oublié que même Adolf Hitler avait été élu par le peuple ?

Pendant que les innocents sont arrachés aux leurs par les escadrons de la mort, pendant que la milice du CNDD-FDD, les féroces Imbonerakure et la police traquent tout opposant déclaré ou supposé, pendant que les leaders de l’opposition (ceux qui n’ont pas pris le chemin de l’exil) sont arrêtés et emprisonnés, Nkurunziza demande cyniquement à la classe politique de préparer les élections de 2015 ! Cela donne l’impression que la misère du peuple, l’insécurité, la corruption ne sont nullement ses problèmes. Sa seule préoccupation est la conservation du pouvoir.

La sagesse invite à ce que le pouvoir en place fasse un geste d’apaisement. En arrêtant par l’exemple les exécutions sommaires et en libérant les prisonniers politiques. Et l’étape suivante serait de tendre la main à l’opposition.

Le rôle de l’opposition

L’opposition a au départ sous-estimé la capacité de nuisance du CNDD-FDD. Elle s’est ressaisie en mettant en place la coalition ADC-IKIBIRI. Elle peut croître sa crédibilité en maintenant et en renforçant sa cohésion et surtout en combattant toute velléité de division sur base ethnique, régionale ou même confessionnelle.

Les leaders de l’opposition et leurs militants souffrent terriblement dans leur chair. Ils voient leurs camarades  arrêtés sans raison, torturés, tués et leurs corps jetés dans des savanes, des latrines, des cours d’eau, etc.

Mais pour éviter plus de souffrance au peuple, elle doit se départir de toute idée de vengeance. Les leaders de l’opposition doivent être toujours prêts au dialogue. Ils doivent démontrer que leur préoccupation ne consiste pas à vouloir tout simplement remplacer Nkurunziza mais de changer véritablement le quotidien de la population burundaise et lui redonner l’espoir en l’avenir.

Autres acteurs

Au-delà, de ces trois principaux groupes d’acteurs, les pays de la région des grands lacs, les responsables des églises catholique, protestantes et islamiques devraient sortir de leur silence complice. Suffirait-il qu’un chef d’Etat exprime sa foi avec du tintamarre folklorique pour que ses crimes passés, présents et à venir soient absous ?

Quant à la Société Civile, elle joue courageusement son rôle, elle doit poursuivre son travail de conscientisation de la population malgré toutes les intimidations et menaces.

Il va s’en dire que la situation est déjà grave, des morts se content en milliers depuis la fin des élections de 2010. Mais il n’y a pas lieu de désespérer. Il faudrait que tous les acteurs mettent en avant d’abord l’intérêt de la population burundaise. Il ne faudrait surtout pas que le peuple burundais soit sacrifié pour sauver le peuple somalien. Les deux doivent être sauvés en privilégiant surtout des moyens non violents. Les rôles déterminants reviennent essentiellement au pouvoir en place et la Communauté Internationale.

Novembre 2011.