RDC : le rebelle Nkunda, protecteur des Tutsi ou danger pour sa communauté ?
Afrique

@rib News, 21/11/2008 – Source AFP

Laurent NkundaLe chef rebelle Laurent Nkunda se pose en protecteur des Tutsi congolais mais il est contesté au sein de sa propre communauté, et son action, loin de faire l'unanimité, avive les tensions ethniques dans l'Est de la République démocratique du Congo, selon des experts.

Laurent Nkunda s'est "employé à renforcer la paranoïa chez les Tutsi" avec des références répétées aux violences anti-tutsi et à l'imminence d'un génocide, après celui de 1994 au Rwanda voisin, explique un rapport de l'institut d'analyse des conflits International Crisis Group (ICG).

Et bien que nombre de Tutsi désapprouvent ses méthodes violentes, certains "ont vu en lui un garant ultime de leur sécurité au cas où éclateraient de nouveaux combats intercommunautaires".

Pour autant, il n'y a pas eu de violences majeures des rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) --dont certains ont participé au génocide rwandais-- contre les Tutsi congolais ces dernières années dans la province congolaise du Nord-Kivu, où opère Laurent Nkunda.

Dans sa lutte, Laurent Nkunda se prévaut du soutien de tous les Tutsi de RDC. Mais dans les faits, ceux-ci sont loin de constituer une communauté homogène : ils se séparent en deux grandes familles (Tutsi du Nord-Kivu et Banyamulenge dans la province voisine du Sud-Kivu) avec des dizaines de clans souvent rivaux.

Au Nord-Kivu, sur ses terres de Rutshuru, Laurent Nkunda bénéficie d'un fort soutien parmi les Tutsi, selon les observateurs.

L'homme est également très populaire parmi les dizaines de milliers de réfugiés tutsis congolais qui vivent dans des camps au Rwanda et en Ouganda.

Victimes de l'insécurité dans leur pays, souvent radicalisés, ces réfugiés sont le principal vivier de recrutement des rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).

Ce soutien est déjà moins marqué sur le plateau du Masisi, dans l'Ouest du Nord-Kivu, où les Tutsi locaux, dits Tutsi bagogwe, sont traditionnellement rivaux de leurs frères de Rutshuru, relève une source onusienne.

Ces dissensions se retrouvent au sein du CNDP, où prédominent les Tutsi de Rutshuru. Le chef d'état-major de la rébellion, Bosco Ntaganda, incarne cette contestation interne, souvent méconnue, et rallie autour de lui les mécontents.

"Nkunda ne fait pas l'unanimité parmi les Tutsi du Nord-Kivu, loin de là", constate le président de la société civile de la province, Jason Luleno, qui estime que ces derniers "sont pris en otage" par le chef rebelle.

Au Sud-Kivu, où la haine anti-tutsi est beaucoup plus vivace, "Nkunda n'a pour le moment quasiment aucun soutien parmi les Banyamulenge", observe Enock Sebineza, ancien député de la région et lui-même tutsi.

"Aujourd'hui, les Banyamulenge tentent de vivre en paix sur leurs terres des Hauts Plateaux. Si Nkunda embrase le Sud-Kivu, cela ne créera que de nouveaux problèmes à notre communauté", souligne-t-il.

"L'entreprise de Nkunda met en péril les intérêts des Tutsi congolais qu'il prétend protéger", accuse encore M. Sebineza. "Sa démarche (...) est de nature à exacerber les divisions", tout en renforçant l'idée que les Tutsi de RDC servent les intérêts du Rwanda.

"Nkunda ne sert en rien les Tutsi, qu'il met en conflit avec les autres communautés", renchérit Cyprien Biringigwa, président de la société civile du Sud-Kivu.

Pour certains Congolais, "en particulier ceux qui ont toujours contesté la nationalité des Tutsi congolais (...), l'insurrection de Nkunda ne fait que confirmer que la communauté tutsi est indifférente à la souffrance des autres communautés et ne fait pas partie de la nation", selon ICG.

Chaque offensive rebelle, avec son lot de victimes civiles, "avive la flamme du sentiment anti-tutsi", relève l'institut. "Tout en défendant la minorité tutsi, Nkunda est devenu un danger potentiel pour la sécurité de la communauté dans son ensemble".