Témoignages sur l’une des vagues de disparitions forcées sous le régime Buyoya
Opinion

@rib News, 29/12/2011

Disparition de Théophile Karerwa et des Autres…

En novembre et décembre 1991

Témoignage.

Contribution à la Commission Vérité et Réconciliation au Burundi.

Par Perpétue Nshimirimana & Rose Ntwenga

Lausanne (Suisse) & Montpellier (France).

Le 28 décembre 2011.

En amont de la décision de création de la Commission Vérité et Réconciliation en 2000[1], le Centre Ubuntu, basé à Genève en Suisse, a organisé le 3 mai 1999, dans le cadre de ses activités, une cérémonie spéciale pour la commémoration du 27ème anniversaire du génocide des Hutu de 1972-1973. C’était l’occasion donnée aux Burundais de la diaspora de s’exprimer sur les raisons de leur exil dans différents pays à travers le monde. Spontanément, plusieurs personnes ont répondu.

Le besoin de témoigner sur cette période était toujours présent. Pour enfin sortir de l’oubli les personnes disparues brutalement, chacun a mis volontairement sur papier tous les noms des membres de sa famille ou de simples connaissances concernées par le contexte violent. Une partie de la somme des récoltes des témoignages a servi de mouture aux deux livres, édités par le Centre Ubuntu, connus sous le titre « Le conflit burundais I. Les coups des années 60  et Le conflit burundais II. La tragédie de 1972».

Laurent Kavakure, l’actuel ministre burundais des Relations extérieures et de la Coopération internationale, est l’auteur du travail de synthèse des témoignages.

De mon côté, à Montpellier (en France), j’ai reçu le questionnaire préparé par le Centre Ubuntu. Mais, en réponse, je n’avais que des approximations à proposer. Pour moi, il manquait des questions auxquelles j’avais des réponses précises.

En novembre 1991, à  peine vingt ans  après le génocide de 1972-1973, le « conflit burundais » tant douloureux se répétait …

Nous relatons la manière dont, l’une et l’autre, avons vécu l’une des vagues de disparitions forcées sous la première présidence du major Pierre Buyoya de 1987 à 1993.

(…)

Novembre et Décembre 1991, à Bujumbura (Burundi).

Perpétue Nshimirimana.

Dans la soirée du samedi 23 novembre 1991, des crépitements et des échanges d’armes légères ont été entendus dans les quartiers de Kamenge et de Ngagara (au nord) et à Musaga (au sud) de la ville de Bujumbura. Je venais d’emménager avec ma famille dans l’immeuble du quartier 6 au bloc n° 6 de Ngagara. Depuis des années, ce quartier a vu la coloration de sa population devenir « Tutsi homogène ». C’était la conséquence visible des décisions autoritaires d’expulsion et de spoliations des propriétaires et des  ayants-droits Hutu datant des années précédentes.

Dès les premiers tirs nourris, et sans la moindre esquisse d’enquête, les attaques ont été vite attribuées au Parti de Libération du Peuple Hutu (PALIPEHUTU). Le Major Pierre Buyoya, le président de la République et Président du Comité Militaire pour le Salut National  (C.M.S.N., organe exécutif et législatif de trente et un militaires (tous Tutsi) qui le porta au pouvoir),  était en France où il participait au sommet de la Francophonie. Au cours de ce séjour, il devait rencontrer, pour la première fois de façon officielle, une délégation du PALIPEHUTU. A la dernière minute et sans avertissement, cette rencontre a été annulée sous le prétexte de ces attaques (voir le repère chronologique). 

Théophile KarerwaThéophile Karerwa[2], originaire de Gishubi en province de Gitega, habitait le même immeuble que moi, au deuxième étage. Au moment d’échanges de tirs entre l’armée régulière et les « attaquants », des voisins Tutsi ont répandu la rumeur que les balles tirées contre l’armée régulière dans ce quartier provenaient du bloc 6. Un petit potager avec quelques plants de maïs et de haricot était entretenu au pied de l’immeuble. Pour un meilleur axe de tir, les militaires de l’armée régulière, reconnaissables par tous, avaient pris position dans les feuillages du potager. Il était improbable qu’un coup de feu soit tiré à partir de cet endroit sans que les militaires ne le localisent immédiatement.

Trois jours après le début de l’accrochage, le mardi 26 novembre 1991, au grand étonnement de beaucoup, l’armée a annoncé l’organisation d’une fouille systématique de tous les immeubles du Quartier 6. Une attention particulière a été réservée à l’entrée du bloc 6 où ils ont exigé que tous les occupants sortent de l’immeuble. Théophile Karerwa, un jeune ingénieur au service du Bureau du projet Education (B.P.E.), terminait les préparatifs de son mariage à avoir lieu les semaines suivantes. Parmi les nombreux occupants, Théophile, en tenue de sport, est descendu comme les autres personnes. Les militaires chargés de la fouille sont allés directement à sa rencontre et lui ont signifié son arrestation avant qu’il n’atteigne l’extérieur de l’immeuble. Avant de demander ce qui se passait exactement, l’attroupement d’habitants des autres immeubles, ainsi que du nôtre, a commencé à chuchoter que Théophile avait en sa possession « quelque chose ».

Pour sortir, Théophile a été trainé à terre contre son gré par les militaires qui l’ont couché immédiatement dans une flaque d’eau sale à l’arrière d’un camion de l’armée pré-stationné à cet endroit avant l’opération de fouille.

Tous les résidents de l’immeuble ont été témoins de cette maltraitance. Pendant ce temps d’exhibition malsaine, une fouille minutieuse de son appartement par un autre groupe de militaires se poursuivait. Puis, l’un des militaires est sorti avec un geste d’évidence, une mallette de couleur noire en main. Pour justifier l’arrestation, on a laissé courir le bruit qu’une arme était cachée à l’intérieur de celle-ci. En réalité, cette mallette ne contenait que de l’argent retiré à la banque en vue des frais de son prochain mariage ! Dès l’instant où Théophile s’est retrouvé dans le camion militaire, des coups d’une brutalité inouïe ont été portés contre lui.

Malgré les différentes démarches par ses proches et ses connaissances pour déterminer le lieu et les conditions de détention, personne n’a pu dire exactement où il a été conduit après l’arrestation publique. Des jours ont passé et il a fallu se rendre à l’évidence. Théophile était mort. Selon plusieurs sources concordantes, il a été tué le jour même de son arrestation. Personne parmi les siens ne sait où repose sa dépouille mortelle.

(…)

Novembre et Décembre 1991, à Montpellier  (France).

Rose Ntwenga.

J’ai parcouru les dépêches relatant les coups de feu qui ont semé la panique et la terreur dans la ville de Bujumbura. J’ai ressenti un étrange malaise. La description des faits a déclenché en moi une sensation confuse de « déjà entendu en 1972 », sans en avoir la certitude…

… Comme en écho de la matinée du 30 avril 1972, aux alentours de la paroisse St Joseph du quartier 3 de l’Ocaf/Ngagara, des coups de feu avaient été échangés brièvement entre l’armée régulière et d’autres personnes armées. Des pas précipités, quelques personnes blessées, des affirmations rapides, … avaient constitué l’amorce des navettes d’arrestations[3], des spoliations et des disparitions du génocide de 1972-1973…

 En effet, dans ce présent de fin novembre 1991, à la suite de ces coups de feu entendus, certains  fonctionnaires et ceux d’origine Hutu « qui ont des diplômes » ont commencé à ressentir une panique, face à l’éventualité d’une arrestation. Certains n’ont même pas eu le temps de s’appesantir sur cette réalité. Dès le dimanche 24 novembre 1991 alors en route pour son week-end de garde à l’Agence Burundaise de Presse (A.B.P.), Rénovat Ndikumana[4], secrétaire de rédaction au desk national a été appréhendé par les militaires[5], dans le quartier de Musaga. Il a été conduit au camp militaire de Muha.[6]

 Joseph Bagalwa[7] est un autre journaliste (photographe) qui a disparu dans les mêmes circonstances. Il résidait dans le quartier de Kamenge dans le Mayengo.

Légende photos : Rénovat Ndikumana et Joseph Bagalwa, photos à compléter par les proches

Au compte-gouttes, la confirmation est arrivée, aussi, que les milieux des jeunes artisans[8] d’origine Hutu du secteur informel ont été la cible de plusieurs arrestations sur leur chemin de travail. Plus inquiétant, a été leur absence de la prison de Mpimba et des autres lieux de détention malgré les nombreuses visites des familles (ou de leurs connaissances) avec un panier de vivres. Personne n’a eu de précisions exactes sur leur sort. Dans le quartier de Kamenge, la résignation s’est installée quand après plusieurs vérifications[9] et tentatives de contacts directs infructueux, la phrase fatidique est arrivée : « -Ne cherchez-plus. Ils ne reviendront plus ! » 

 Légende photo :

Au jour le jour,

La vie,…

-KUBAKUMBUKA-

Crédit image : http://fr.123rf.com/photo_1352168_groupe-de-personnes-aller-de-l-39-avant-avec-des-ombres-3d.html

Djuni -Voltigeur-Patricia Philotée NtwengaDans ma famille à Kavumu n°19, Maman, Marcelline Ndikumana a répondu très vite aux appels et aux autres consignes de  l’administration  avec but  de livrer les Hutu en relation avec les tirs de la veille.

Ainsi, ma petite sœur, Patricia Philotée Ntwenga et mon demi-frère Félix Junior (Djuni N’guyen) ont été conduits à la Zone de Kamenge pour répondre de leur supposée sympathie ou entente avec les militants du parti pour la libération du peuple Hutu (Palipehutu)[10].

C’était la terrible réalité, une nouvelle fois répétée, vingt ans après 1972.

Légende photos : A gauche Patricia Philotée Ntwenga. A droite Djuni -Voltigeur-

Novembre-Décembre 2011 : Le rendez-vous avec la vérité !

Aujourd’hui en 2011, le cadre d’expression offert par la création de la Commission Vérité et Réconciliation, autorise chaque citoyen, Burundais ou autre concerné, à témoigner sur ce qu’il croit avoir vu, vécu ou compris. Il s’est passé tellement de choses désagréables où dans bon nombre de cas, ce ne sont que les accusations infondées contre les victimes qui restent figées dans les esprits. De plus, il demeure une multitude de gestes mesquins sans qualifications juridiques véritables autour des nombreux autres délits. La permanence de ce dispositif a permis de faire du mal intentionnellement en toute quiétude durant des décennies. Il ne faut pas se faire une grande idée de l’expression de la vérité. Elle  passe par une narration simple des faits. Les acteurs ou les initiateurs politiques et économiques de la marche du Burundi ont le devoir de rendre compte de la justesse de leurs décisions. 

C’est ainsi qu’il est indispensable, par exemple, que l’armée burundaise rende publique et à l’attention des familles, les noms, les grades, les affectations et les raisons justifiées (ou pas) à l’origine des disparitions  forcées de plusieurs des membres de son corps.

Moi, Perpétue Nshimirimana, je ne connais pas, bientôt cinquante ans après sa disparition, le grade de mon père, Isidore Mugabonihera,  au sein de la gendarmerie burundaise en octobre 1965 ! Aujourd’hui, je demande solennellement à l’armée en tant qu’Institution, que son grade soit porté à la connaissance du public.

Pour avoir été le théâtre d’intrusion « politique », l’intimité des familles n’est pas épargnée par une nécessité de vérité. Joséphine Mfubusa, (une parenté de plusieurs individualités fondatrices de la première  République) a été placée en 1963 pour surveiller les activités politiques de Venant Ntwenga, mon père.

Dieudonné Nicimpaye (Diyé)
Légende photo : Dieudonné Nicimpaye. – Diyé

Moi, Rose Ntwenga, je demande à Artémon Simbananiye, procureur de la République à partir du 28 novembre 1966, de préciser à Dieudonné Nicimpaye (Diyé)[11] que son père est Bernard Kayibigi, le procureur de la République au moment du génocide en 1972. (…)

Lausanne (Suisse) & Montpellier (France), le 28 décembre 2011

Perpétue Nshimirimana & Rose Ntwenga.


Annexe : Repère chronologique & remise en perspective de l’année 1991.

Cette annexe  regroupe  une sélection d’éléments chronologiques de la fin de l’année 1991 et du début de l’année 1992,  en complément du témoignage.

     ANNEE 1987

-Bujumbura (Burundi). 3 septembre 1987 : Le Major Pierre Buyoya prend le pouvoir au Burundi par un coup d’état contre le colonel Jean-Baptiste Bagaza, son cousin, alors au sommet de la francophonie au Canada. Pierre Buyoya devient à la fois Président de la République et Président du Comité Militaire pour le Salut National (organe exécutif et législatif de 31 militaires (tous Tutsi) qui le porta au pouvoir).

-Septembre 1987 : « - Dans son discours-programme, il [Pierre Buyoya] présente les abus du régime précédent, mais refuse de reconnaître le génocide de 1972 et de réhabiliter les différentes victimes des événements sanglants des années antérieures. » Extrait pp141-142 du chapitre  -Pouvoir et libertés fondamentales au Burundi - pp. 135-154 par Eric Bayard Rwantango in Construire l'État de droit: le Burundi et la région des grands-lacs coordonné par Charles de Lespinay, Émile Mworoha - 2000 - Political Science - 296 pages

-Antibes (France), 10-12 décembre : 14e sommet Franco-Africain sans la présence du major Pierre Buyoya. Le Burundi est représenté par une délégation ministérielle conduite par Cyprien Mbonimpa, ministre des relations extérieures et coopération.

ANNEE 1988

- Sylvestre Ntibantunganya, nommé par Pierre Buyoya dès la fin de 1987, prend ses fonctions de Secrétaire National chargé de l’Information et de la mobilisation au Secrétariat  national Permanent du  parti UPRONA, au lendemain d’un stage en France.

- Rwanda. Présence des exilés Tutsi rwandais : 5 février. Création d’un Comité ministériel  rwando-ougandais sur le problème des réfugiés Tutsi.

-Ntega et Marangara (Burundi).  A partir du 15 août 1988, alors que le président Pierre Buyoya est  en visite officielle au Congo (Brazzaville), des massacres contre des populations d’origine Hutu ravagent deux communes (Ntega et Marangara) au nord du Burundi. Un décompte de plus de vingt-quatre mille victimes est à déplorer. Plusieurs autres personnes, environ soixante mille fuient vers le Rwanda, en particulier devant la férocité des éléments de l’armée régulière burundaise.

- « En 1988 (…). Alors que les militaires responsables d’exactions sont connus, aucune action judiciaire n’est entreprise pour punir les coupables. » (Extrait pp141-142, Eric Bayard Rwantango,  op. cit.)

-Bujumbura (Burundi). Le 19 octobre  1988 : Nomination d’un Premier ministre d’origine Hutu, Adrien Sibomana depuis l’avènement de la première République le 28 novembre 1966. Adrien Sibomana était précédemment gouverneur de la province de Muramvya.

-Au cours du même mois d’octobre : Pierre Buyoya crée la Commission Nationale chargée d’étudier la question de l’Unité Nationale ; p.m. : parmi d’autres, Sylvestre Ntibantunganya est nommé membre de cette commission.

-Bujumbura (Burundi) : Création de l’Association culturelle pour la paix au Burundi (ACPB), puis de sa revue Le Réveil.

-Washington (U.S.A.). Présence des exilés Tutsi rwandais : 17 août. Organisation par  la diaspora d’une conférence internationale sur les réfugiés rwandais.

-Fin 1988,  Sylvestre Ntibantunganya est nommé Secrétaire National chargé de l’Institut Rwagasore.

ANNEE 1989

-Bujumbura (Burundi) Avril 1989 : Remise du Rapport de la Commission Nationale chargée d’étudier la question de l’Unité Nationale. (165 p)

-Casablanca (Maroc), 14-16 décembre : 15e sommet Franco-Africain avec la participation du major Pierre Buyoya.

ANNEE 1990

-Bruxelles (Belgique) le 24 mars 1990 : Burundi : L’Unité Nationale, De quoi s’agit-il ? Réplique au Rapport de la Commission Nationale chargée d’étudier la question de l’Unité Nationale. 

Par  la Communauté des Hutu du Burundi réfugiés en Belgique.

- La Baule-Escoublac (France)  20 juin 1990 : 16ième conférence des chefs d’Etat d’Afrique et de France, avec la participation du major Pierre Buyoya. Impulsion dans les esprits, de la nécessité d’une  démarche de  « Démocratisation » sur le continent africain, à l’occasion du discours du président français François Mitterrand.   http://www.rfi.fr/actufr/articles/037/article_20103.asp

ANNEE 1991

-Bruxelles (Belgique) Juin : Prise de position de la Communauté européenne et ses Etats membres, « Burundi déclaration des douze », extraits : « (…) Ils saluent en particulier l’appel lancé par les autorités aux réfugiés burundais en vue d’un retour volontaire et organisé au pays. »

- Juin 1991 : Parution de « Sortir de la violence au Burundi» aux Presses Lavigerie à Bujumbura de Jean-Marie Sindayigaya.

«  - Dans ce livre, je décris la société burundaise et ses problèmes. J'y proposais  aussi des solutions. Plus précisément, j'ai parlé  de "Conférence Nationale" qui comme on le disait, devait être adaptée à la culture Burundaise. Mais Buyoya l’a refusée. »  Extrait d’une interview de l’auteur le 22 Juillet 2002, par Bilal Luqman, AGNews

- Au cours de l’année, préparatifs de la rencontre Buyoya-Délégation du Palipehutu programmée le 24 novembre à Paris dans un grand hôtel proche de l’Arc de Triomphe.

Deux versions sont énoncées :

1.     Les préparatifs s’effectuent « sous la supervision de deux évêques Monseigneur Bududira [catholique] et Monseigneur Ndoricimpa [évangélique Méthodiste] » source : G. Alexis Nizigama, extrait de  http://www.netpress.bi/Ago/nizigama1.htm ? à vérifier et compléter par les concernés et les témoins.

2.     Courant septembre, l’ambassadeur Gédéon Magete contacte Filip Reyntjens pour qu’il joue un rôle d’intermédiaire avec la délégation du Palipehutu. « (…) - Je ne me rappelle pas de la date exacte-, je suis appelé par l'ambassadeur Gédéon Magete, conseiller diplomatique du président Buyoya(…) » Les frais du déplacement à Paris de M. Reyntjens seront pris en charge par l’ambassade du Burundi à Paris. (source : F. Reyntjens, Les risques du métier - Trois décennies comme "chercheur-acteur" au Rwanda et au Burundi, paru le 7 février 2009, L’Harmattan, ISBN  : 978-2-296-05323-6, 137 p. – extraits consultables à l’adresse : Cliquez ici

- Paris (France) du 19 au 21 novembre à Paris : IVe Sommet de la Francophonie au Palais de Chaillot, avec la participation du major Pierre Buyoya.

- 23 novembre : 17h30.  Arrivée à Paris de Filip Reyntjens, intermédiaire, hébergé dans un hôtel une étoile où il attend la délégation du Palipehutu  (rendez-vous prévu à 9h30 le lendemain 24 novembre) (source F. Reyntjens, op.cit.)

- 23 novembre : Entre 22h30 et minuit au Burundi. Une série d'attaques coordonnées est lancée principalement dans la ville de Bujumbura. (source F. Reyntjens, op.cit.)

- Dimanche 24 novembre, 2h30 du matin : L’ambassadeur Gédéon Magete appelle Reyntjens pour lui annoncer de violents combats en particulier dans les provinces de Cibitoke et Bubanza (incursion depuis le Congo) et dit que la rencontre n’aura pas lieu. (source F. Reyntjens, op.cit.)

- Dimanche 24 novembre, 9h : Filip Reyntjens relate : « Il (Magete) me confirme ses doutes sur la sincérité de la délégation du Palipehutu et que la rencontre est annulée ». (source F. Reyntjens, op.cit.)

- Dimanche 24 novembre, 9h30 : Etienne Karatasi et la délégation du Palipehutu arrivent au rendez-vous. «  Je leur explique la situation et il est très clair qu’ils tombent des nues. Ils ne sont manifestement pas au courant de ce qui s’est passé durant la nuit au Burundi et il est pour moi évident qu’ils n’en sont pas les commanditaires. Ils condamnent sans équivoque les attaques. On apprendra plus tard que l’offensive a été menée par un groupe dissident, le Palipehutu-FNL dont je n’avais jamais entendu parler. (…) » (source F. Reyntjens, op.cit.)

- 26 novembre : Retour du président Pierre Buyoya au Burundi.

- Jusqu’au 27 novembre, des attaques sont signalées.

- «  (…) on découvre parmi les assaillants des gens proches du régime, élément de doute d’un sabotage de cette rencontre par des durs de l’Uprona et de l’armée. Et cette rencontre n’eut pas lieu. Néanmoins des inculpés « maquisards » sont appréhendés parmi lesquels un agent du gouvernement(8) ce qui donnera des doutes quant aux responsabilités de cette attaque. Des exécutions sommaires sont perpétrées (…) 

(8) Il s’agit de Nathan Bararunyeretse, agent secret au service du secrétariat d’état chargé de la sécurité publique, qui était chargé par son service d’infiltrer le parti clandestin Palipehutu. Capturé par l’armée qui le soupçonnait d’être de connivence avec les rebelles, il fut incarcéré à la prison de Mpimba, d’où il a écrit au Président du Tribunal de Grande Instance pour plaider son innocence. Il fut acquitté au bénéfice du doute. »

(Extrait  pp141-142, Eric Bayard Rwantango, op. cit.)

-Du 12 au 22 décembre : Brigitte Erler et Filip Reyntjens réalisent une mission d’enquête pour le compte d’ONGs allemandes et néerlandaises au Burundi.

-Du 22 au 26 décembre : La mission d’enquête se poursuit au camp de Shili (sud du Rwanda), dix mille réfugiés burundais.

ANNEE 1992 : présentation et publication du rapport accompagnées des réactions.

- 3 janvier 1992 : Conférence de presse à Bruxelles de F. Reyntjens pour présenter les premières conclusions du rapport. Beaucoup de reproches sont reçus suite à l’incapacité d’évaluer le nombre de victimes. (d’après F. Reyntjens, op. cit. p.54). Le communiqué de presse, argumenté et précis, est disponible sur le site AGNEWS à l’adresse : http://www.burundi-agnews.org/agnews_geno_91_4.htm

-5 janvier : Réaction (au rapport non encore publié, avant même la réaction officielle du régime de Pierre Buyoya) par une lettre de 7 pages de Jean-Pierre Chrétien envoyée à Catherine Simon du journal Le Monde : Extrait  « (…) Je pense que la vérité doit être recherchée, sans cesse, et non négociée, encore moins trafiquée. » (cité par F. Reyntjens, op. cit. p.55)

- 6 janvier : Document de la Sûreté Nationale du Burundi « Note d’information aux missions diplomatiques burundaises en prévision d’un débat sur les derniers événements survenus au Burundi, conférences de presse en préparation à Bruxelles et à Bonn» (d’après F. Reyntjens, op. cit. ndbdp p.54)

- 8 janvier : Bruxelles, Lisbonne, prise de position de la Communauté européenne sur la situation au Burundi. « Burundi déclaration des douze ». Extraits : « (…) Ils encouragent le gouvernement à faciliter toute enquête impartiale afin que les responsables soient identifiés et sanctionnés (…)»

- 10 janvier 1992 : Contre-attaque de l’ambassadeur du Burundi à Bruxelles. Une conférence de presse « mise au point du gouvernement du Burundi » est diffusée. Le ton (du régime Buyoya)  est très hostile contre F. Reyntjens : Extrait « - Pour nous, Monsieur Reytjens s’est disqualifié aux yeux de l’opinion internationale qui apprécie la sagesse avec laquelle la crise de novembre 1991 a été gérée. (…) »

- 11 janvier : Communiqué du Palipehutu : Le rapport « est très incomplet et laisse cachés des éléments qui éclairciraient les responsabilités du pouvoir de Bujumbura. (…) Les endroits visités et les personnes rencontrées étaient déjà préparés à l’avance par les autorités. ». Selon ce communiqué les « (…) chiffres sont très en deçà de la réalité puisque plus de 16.000 personnes auraient trouvé la mort en novembre-décembre 1991. » (d’après F. Reyntjens, op. cit. p.55)

- Selon le rapport Erler-Reyntjens et plusieurs autres sources, le bilan dépasserait mille voire deux mille victimes. Selon le gouvernement de Pierre Buyoya, 551 personnes auraient perdu  la vie. Quarante cas de disparitions forcées et exécutions extra - judiciaires ont été examinés par Amnesty International.

- Février : Sortie du rapport, de la mission d’enquête. Parmi les constats : « (…) La prédominance des Tutsi au sein de l’armée et de l’implication de militaires dans le déclenchement des combats à Bujumbura(…) » (d’après F. Reyntjens, op. cit. p.55)

Les références du rapport sont : Brigitte Erler  et Filip .Reyntjens, Les événements de novembre-décembre 1991 au Burundi. Rapport d’une mission d’enquête. Bruxelles, NCOS, 1992, 54 pp.

- 17 février 1992 : Publication par le gouvernement burundais de Pierre Buyoya d’un document intitulé : « Rapport Reytjens-Erler sur les événements de novembre 1991 : Une enquête ou une thèse ? » La ligne conductrice du document explique que la mission n’a pas compris que « les murs de l’exclusion, de la haine et de la vengeance ont été abattus, la cohésion entre toutes les ethnies s’est considérablement renforcée de sorte que le pays entre en toute sérénité dans l’ère de la démocratie pluraliste. (…) » (d’après F. Reyntjens, op. cit. p.55-56)

- Communiqué de presse de F. Reyntjens pour contrer les accusations infondées du gouvernement burundais qui le qualifie de « conseiller politique du Palipehutu ».

- F. Reyntjens reçoit des intimidations  et des menaces (y compris de mort) de la part de Burundais et d’expatriés européens au Burundi.

- Le régime du major Pierre Buyoya ne déclenchera aucune enquête indépendante sur ce qui s’est passé au  cours des mois de novembre et décembre 1991 au Burundi.

-5-7 octobre :  17e sommet Franco-Africain à Libreville avec la participation du major Pierre Buyoya.

(…)


[1] L’ « Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi » signé le 28 août 2000 dans la ville d’Arusha en Tanzanie :  http://www.bi.undp.org/election2010/doc/accorddarusha.pdf 

[2] A compléter par sa famille, ses amis et ses connaissances.

[3] Dès l’après-midi du dimanche 30 avril 1972. Ainsi, Valentin Sebusa, le géomètre a été arrêté à la station d’essence du quartier 3. Ensuite, le directeur de l’école primaire du Q.3, le père de Kid (Emmanuel Kidodoye), le garde du corps civil du candidat Melchior Ndadaye au cours de la campagne électorale de 1993, M. Muyogoro résident au Q.2, rédacteur au service des Titres fonciers, et de multiples autres personnes ont été arrêtées pour des motifs inconnus à l’exception de leurs origines ethniques communes (Hutu). 

[4] Diplômé d’une école de Journalisme de Roumanie, à compléter par sa famille et les autres personnes concernées.

[5] L’association Reporters Sans Frontières (R.S.F.) et la fédération internationale des éditeurs de journaux (F.I.E.J.) ont documenté son cas dans le Rapport Burundi Août 1993 - pp7-11, 49 p., R.S.F., consultable à l’adresse http://www.grandslacs.net/doc/1097.pdf

[6] Les propos échangés par les militaires, les raisons de son  arrestation et les circonstances  de son exécution ont été relatés par des témoins.

[7] Malgré son nom de famille à consonance Mushi (une des tribus de Sud-Kivu), Joseph est d’origine Hutu. (A préciser par sa famille et son groupe d’âge et amis). Pour faciliter les inscriptions scolaires ou administratives  et « facilités de survie » au Zaïre, il fallait s’adapter aux quotas d’inscription en vigueur dans les écoles secondaires selon les différentes provinces. En plus d’être photographe de quartier, il s’était retrouvé par sa qualité de travail indépendant, en concurrence avec les photographes de l’Agence Burundaise de Presse et d’autres photographes plus anciens dans le métier. Bagalwa offrait même ses services à quelques ambassades accréditées à Bujumbura, à des sociétés privées comme la Brasserie Brarudi ( ?), etc.

Voir aussi p12 du Rapport Burundi Août 1993 –49 p., mission R.S.F/F.I.E.J., édité par R.S.F.

[8] « Ba  Au  jour le jour ! » Certains ont été ciblés pour leur activité commerciale parfois très modeste. Sous la présidence du président J.B Bagaza (1976-1987), le petit commerce était interdit et les agriculteurs devaient payer une taxe dès la vente du moindre produit agricole. D’une manière ou d’une autre, ces dispositions visaient en premier les personnes d’origine Hutu. Et, en effet, à cette période, les propriétaires de boutiques ou d’autres initiatives financières dans le quartier ont systématiquement été agressés dès les premiers signes de réussite. Seules les  grandes et moyennes entreprises  avaient  la liberté  de se constituer…  La réglementation abusive du travail économique fait partie des problèmes importants du Burundi et s’inscrit dans le mobile crapuleux du génocide et des spoliations à l’œuvre.

Cfr- Conséquences de certaines décisions (contestées)  de la Réunion informelle de  juillet 1967. 

- La gestion de l’Association des Commerçants Barundi (ACB) créée en juin 1967, puis celle de la Société nationale de Commerce (Sonaco) créée pour lui succéder (notamment en « effaçant les spoliations ») en 1973 sous l’insistance de la Chine et dirigée par Désiré Makuza, exilé Tutsi rwandais, naturalisé burundais. (…) Cfr Warren Weinstein. A compléter par les différents dépositaires dont celui de Patrice Mayondo et du commerçant Busabusa (Quartier Heha), etc.

[9] Auprès des différents responsables de l’administration  dans un premier temps, puis auprès des mouchards des exilés rwandais, intégrés dans le maillage des partisans du Front Patriotique Rwandais (F.P.R.) dans le quartier. Un des voisins surnommé le « Comptable» s’occupait même de la collecte des cotisations et de l’organisation des soirées culturelles. 

[10] Chronologie et Historique du mouvement de résistance armée et politique. A compléter.

A noter que dès le 30 juillet 1967,  le parti Uprona est placé au dessus de toutes les autres institutions du pays et les autres partis sont interdits. (Cfr décret présidentiel)  cité dans Burundi : L’Unité nationale, De quoi s’agit-il ? Par la Communauté des Hutu du Burundi réfugiés en Belgique. Bruxelles, le 24 mars 1990.

[11] C’est lui faire du mal à lui en premier, que de le laisser dans l’ignorance de sa filiation exacte et de le pousser à se revendiquer et à polémiquer sur la succession d’une victime de son père. Cfr procès (au milieu des années 80) contre l’usurpateur exilé Tutsi rwandais du Q.2 Ocaf/Ngagara. C’est d’une perversité !