Afrique du Sud : L'ANC fête son centenaire sous le signe de la "purification"
Afrique

@rib News, 08/01/2012 – Source Reuters

Jacob Zuma, chef de l'Etat sud-africain, a présidé ce week-end à Bloemfontein à une cérémonie de purification à l'occasion du centenaire de la fondation du Congrès national africain, le plus vieux mouvement de libération du continent, aujourd'hui au pouvoir depuis 1994.

Comme le veut la tradition, un taureau noir a été sacrifié à la sagaie devant un aréopage d'"excellences" pour éloigner les mauvais esprits et apaiser les âmes des ancêtres.

Les fêtes du centenaire de l'ANC, qui ont permis de rassembler dans la même salle des personnalités aussi disparates que l'ancien président Thabo Mbeki ou Winnie Mandikizela-Mandela, ex-femme de Nelson Mandela, ont coûté 100 millions de rands (12,3 millions de dollars).

Au menu des festivités figuraient un banquet géant pour personnalités et chefs d'Etat étrangers, des spectacles de musique et même un tournoi de golf, le tout dans cette "township" (cité noire) de Bloemfontein.

Sous la présidence de leaders charismatiques tel que Nelson Mandela, aujourd'hui retiré de la politique à 93 ans révolus, Walter Sisulu et Oliver Tambo, l'ANC a gagné un statut quasi-légendaire.

Mais une fois aboli l'apartheid en 1994, ce parti, champion de la "nation arc-en-ciel", a connu la dure épreuve du pouvoir. L'ANC a préservé la paix civile tout en maintenant la domination économique de la minorité blanche, affirment ses adversaires.

"UNE RÉVOLUTION INACHEVÉE?"

Son soutien populaire et son capital politiques sont aujourd'hui considérablement émoussés, y compris dans les rangs de la majorité noire. Ses détracteurs, en Afrique du Sud comme à l'étranger, reprochent à ses dirigeants actuels de dilapider les deniers de l'Etat, de gaspiller les richesses minières du pays et de se perdre dans de féroces luttes de pouvoirs.

L'économie sud-africaine, qui fait office de locomotive dans toute l'Afrique, connaît un taux de chômage d'environ 40%, qui frappe principalement les jeunes.

Certains militants dénoncent par ailleurs la menace de corruption au sein même de l'ANC et le président Zuma se voit reprocher de ne pas agir assez fermement contre ce fléau.

L'Afrique du Sud a dégringolé au 64e rang du palmarès mondial de l'indice du sentiment de corruption établi par l'ONG Transparency International, alors qu'elle figurait en 38e position en 2001.

Bien que Jacob Zuma ait un jour affirmé que "l'ANC gouvernera jusqu'au retour de Jésus", les observateurs redoutent que le parti héritier de Nelson Mandela ne connaisse une érosion de son soutien s'il ne règle pas ses divisions internes, s'il ne réduit pas la corruption et s'il n'écoute pas les doléances de la population.

Lors de récentes élections, l'Alliance démocratique (DA, opposition) a réussi à grignoter la domination de l'ANC.

Pour Stephen Ellis, un historien spécialiste de l'ANC qui travaille au Centre d'études africaines de l'université de Leyde, aux Pays-Bas, "la lutte contre l'apartheid a donné toute sa cohérence" à cette organisation.

Mais, ajoute-t-il, à l'issue de près de 18 ans de pouvoir, s'élève dans les rangs de l'ANC comme un sentiment d'"une révolution inachevée".


@rib News, 08/01/2012 – Source AFP

Afrique du Sud : l'ANC, un centenaire miné par les rivalités

L'Afrique du Sud n'a pu faire taire ses divisions dimanche alors qu'elle fêtait le centième anniversaire du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, lors d'un grand meeting dans le stade de Bloemfontein (centre).

La presse locale titrait plus que jamais sur les dissensions au sein de l'ANC, parti longtemps dirigé par Nelson Mandela, malgré la volonté de donner l'image d'une formation unie autour de son président Jacob Zuma, le chef de l'Etat.

Lui seul a pris la parole, notamment pour rappeler que l'Afrique du Sud devait rester « une société multiraciale ».

« Nous sommes unis parce que nous devons nous unir pour ce centenaire. Mais je crois que nous serons très divisés après cet événement », a prédit Tefo Labaka, membre de la Ligue de jeunesse de l'ANC, une branche contestant ouvertement la direction de M. Zuma.

Avant même l'intervention du président, les différentes factions se faisaient déjà entendre.

Les apparitions sur les grands écrans de Julius Malema, le président de la Ligue de jeunesse, étaient accueillies soit de hourras, soit de sifflets.

Et lorsque le secrétaire général du parti Gwede Mantashe a fait son entrée, il a été ovationné par une partie du stade, tandis qu'un autre camp criait « Change », comme on demande à un entraîneur de remplacer un joueur sur un terrain de foot.

« Camarades, s'il vous plaît, soyez disciplinés, l'ANC est là pour vous ! », a demandé le ministre des Sports Filike Mbalula, le monsieur loyal de la cérémonie.

Le cirque s'est répété à l'arrivée du président Zuma, quand il a fait un tour d'honneur du Free State Stadium, héritage de la Coupe du monde de football de 2010.

M. Mbalula a dû lancer des slogans plus fédérateurs : « ANC ! ANC ! », « Joyeux anniversaire, ANC ! », « Amandla ! Awethu ! » (le pouvoir pour nous, principal slogan de la lutte contre l'apartheid)...

Puis des chants à la gloire du président ont pris le dessus.

Dans un long discours essentiellement consacré à glorifier la lutte du mouvement contre l'apartheid, Jacob Zuma a rappelé les grands principes : s'il faut accélérer sa transformation socio-économique, l'Afrique du Sud doit rester une société multiraciale.

En clair, il faut ménager les Blancs, qui sont régulièrement cibles d'attaques de la Ligue de jeunesse.

Le président a notamment cité la Charte de la liberté, texte fondateur signé en 1955 par l'ANC et d'autres mouvements anti-apartheid : « L'Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent, Noirs et Blancs ».

« Mesures urgentes » contre l'opposition interne

« L'ANC a mobilisé les Sud-Africains quels que soient leur race, leur sexe ou leur classe. L'ANC, une force disciplinée de gauche, avec une attention particulière pour les besoins des plus pauvres, est aussi une grande église ouverte à tous », a-t-il souligné, notant que le parti accueillait aussi bien des marxistes que des capitalistes, des hommes et des femmes, des riches et des pauvres, etc.

Jacob Zuma compte bien se succéder à lui-même au prochain congrès du parti, en décembre. Ce qui devrait en principe lui permettre de rester président du pays en 2014.

Mais il est ouvertement contesté par une partie de sa base, et notamment par la Ligue de jeunesse, qui critique la lenteur de la transformation du pays après dix-sept ans passés au pouvoir, alors que plus du quart de la population est sans travail et que des millions de personnes vivent encore dans des bidonvilles.

« Nous allons prendre des mesures urgentes pour restaurer les valeurs de base, écraser le factionnalisme et instaurer la discipline », a-t-il prévenu.

Julius Malema a déjà été suspendu pour indiscipline, mais il a fait appel, et continue de défier Zuma.

Icône de l'ANC, l'ancien président Nelson Mandela, âgé de 93 ans et dont la santé est fragile, n'a pas fait le voyage de Bloemfontein. Et il n'a pas délivré de message, décevant les espoirs des dizaines de milliers de participants.

L'ANC avait été fondé le 8 janvier 1912 dans une église de Bloemfontein, restaurée pour les célébrations du centenaire.