La CPI entend juger quatre responsables kényans pour crimes
Afrique

@rib News, 23/01/2012 Source Reuters

La Cour pénale internationale (CPI) entend juger pour crimes contre l'humanité quatre responsables kényans, dont deux candidats à la prochaine élection présidentielle, pour les violences post-électorales de l'hiver 2007-2008.

Le tribunal a estimé lundi disposer d'éléments suffisants contre Uhuru Kenyatta et William Ruto, les deux prétendants à la présidence, et contre deux autres responsables accusés d'avoir orchestré les violences qui ont suivi la réélection contestée du président Mwai Kibaki en décembre 2007.

Le procureur en chef de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a ouvert en 2010 une enquête sur ces violences à caractère politico-ethnique qui ont fait plus de 1.200 morts et plusieurs centaines de milliers de déplacés, notamment dans la vallée du Rift.

Ce jugement pourrait avoir de fortes incidences sur la politique kényane. Uhuru Kenyatta, fils du fondateur du pays Jomo Kenyatta, est l'actuel ministre des Finances et William Ruto est un ancien ministre de l'Education.

Leurs partisans accusent l'actuel Premier ministre, Raila Odinga, lui-même candidat à la présidentielle, de chercher à exploiter politiquement ce dossier judiciaire.

L'opinion publique est quant à elle partagée entre le désir de voir juger les responsables des massacres de 2007-2008 et la crainte de nouvelles violences.

"Nous, victimes, sommes satisfaites de ce jugement. Nous avons beaucoup souffert et nous attendons maintenant le procès", a déclaré Harrisson Macharia, dont la fille a été tuée le 1er janvier 2008 avec d'autres femmes et enfants dans l'incendie criminel d'une église où ils avaient été rassemblés de force par une milice pro-Ruto.

INQUIETUDES

William Ruto a réagi sans tarder à la décision de la CPI en confirmant son intention de faire appel et se présenter quand même à la présidentielle. Dans un communiqué, Uhuru Kenyatta se dit "innocent de toutes les accusations" portées à son encontre.

Outre Ruto et Kenyatta, la CPI a renvoyé en procès le présentateur de radio Joshua arap Sang et un haut fonctionnaire proche du président Kibaki, Francis Muthaura.

Elle a en revanche jugé ne pas être en possession de preuves suffisantes pour confirmer les charges à l'encontre de deux autres responsables visés par l'enquête, l'ancien ministre de l'Industrialisation Henry Kosgey et un ancien commissaire de police, Mohammed Hussein Ali.

La CPI accuse Uhuru Kenyatta, issu de l'ethnie majoritaire des Kikuyu à laquelle appartient le président kényan, d'avoir fait appel à la milice des Mungiki pour s'en prendre à l'ethnie Kalenjin dont est issu William Ruto, membre de l'opposition.

Ruto est pour sa part accusé d'avoir orchestré des raids contre l'ethnie Kikuyu dans la vallée du Rift.

"La chambre estime que le procureur a établi des raisons substantielles de croire que des crimes contre l'humanité de meurtre, de déportation ou transfert forcé et de persécution ont été commis", a déclaré la juge Ekaterina Trendafilova à propos des charges retenues contre Ruto et Sang.

"Ces crimes ont abouti à des centaines de décès et au déplacement de milliers de civils", a-t-elle ajouté.

L'élection présidentielle est censée se dérouler en août prochain, selon la Constitution, mais la Haute Cour kényane a décidé qu'elle devait se tenir en mars 2013. Le gouvernement propose d'organiser le scrutin en décembre.

Le gouvernement kényan avait fait objection aux procédures de la CPI en assurant que l'adoption d'une nouvelle Constitution et d'autres réformes lui permettraient d'engager ses propres poursuites.

Daniel David Ntanda Nsereko, juge à la Chambre d'appel de la CPI, a répliqué que le gouvernement de Nairobi n'avait pas donné la preuve qu'il enquêtait bien sur les suspects.

Selon un sondage publié ce mois-ci, 54% des Kényans soutiennent le processus de la CPI, contre 59% en octobre, illustrant les inquiétudes de la population sur l'impact du jugement sur la stabilité du Kenya.