Le Sénégal se prépare à un scrutin présidentiel tendu
Afrique

@rib News, 24/02/2012 – Source Reuters

Abdoulaye WadeLe Sénégal s'apprête à vivre dimanche l'élection présidentielle la plus contestée de son histoire récente dans l'ombre des violences qui ont suivi la validation de la candidature du président sortant, Abdoulaye Wade, en quête d'un troisième mandat.

Face à Wade, qui semble disposer d'une confortable avance sur une opposition divisée, treize autres candidats briguent également la magistrature suprême, dont deux de ses anciens Premiers ministres, Macky Sall et Idrissa Seck.

Les opposants du président sortant affirment que sa candidature viole le principe constitutionnel limitant à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Wade répond que cette disposition ayant été introduite durant son premier mandat, elle ne rentre pas en ligne de compte.

Cet argument n'a pas suffi à apaiser les opposants, dont les manifestations ont été violemment réprimées, tandis que la France et les Etats-Unis, importants partenaires commerciaux du Sénégal, ont critiqué la candidature de Wade, 85 ans.

Au moins six personnes ont péri dans les heurts entre opposants et policiers depuis fin janvier et la décision de la Cour suprême d'autoriser Wade à se présenter.

"Je pense qu'il s'agit d'une élection cruciale pour le Sénégal (...) qui soit consolidera le processus électoral démocratique du pays, soit, si cela tourne mal, pourrait marquer un (...) retour en arrière pour les progrès démocratiques du Sénégal et de la région en général", souligne Gilles Yabi, responsable de l'Afrique occidentale au sein du groupe de réflexion International Crisis Group.

"JAMAIS RIEN VÉCU DE TEL"

La mission d'observation envoyée par l'Union européenne s'est dite préoccupée par le retard pris dans la distribution de plusieurs centaines de milliers de cartes électorales, par le manque de transparence du processus et par la répression des opposants.

"Nous voulons vraiment que le Sénégal reste stable et continue d'être un modèle pour la région, ce qu'il est aujourd'hui", a déclaré Thijs Berman, le chef de la délégation européenne, lors d'un déplacement à Touba, la deuxième ville la plus peuplée du Sénégal et la capitale religieuse de ce pays très majoritairement musulman.

Selon Berman, des questions subsistent encore concernant la décision du Conseil constitutionnel d'autoriser Wade à concourir. La police, a-t-il estimé, a utilisé une "violence disproportionnée" face aux manifestants qui dénonçaient cette décision.

Les opposants du groupe M-23, nommé en référence à une émeute contre Wade le 23 juin 2011, ont organisé des manifestations quasi-quotidiennes, qui ont souvent dégénéré en heurts avec la police.

"Il suffit de battre Wade dans les urnes. Nous verrons alors que tout cela n'en valait pas la peine. Les gens se font tuer, blesser, le Sénégal n'a jamais rien vécu de tel", déplore Salimata Sy, qui travaille dans la banque à Dakar.

Le Sénégal est le seul Etat d'Afrique occidentale, îles exceptées, à ne pas avoir subi de coup d'Etat depuis son indépendance, en 1960.

Les précédents scrutins se sont déroulés dans le calme et ces deux éléments ont contribué à faire du pays un exemple régional.

Wade est arrivé au pouvoir en 2000 après une longue carrière d'opposant. Il met en avant son bilan de grands chantiers d'infrastructures, notamment des routes et un aéroport.

Il est en revanche critiqué pour ne pas avoir suffisamment accru le niveau de vie des Sénégalais, qui sont nombreux à subsister avec l'équivalent de quelques euros par jour.

Plus récemment, la construction à sa demande d'une statue colossale symbolisant la Renaissance africaine, pour un coût de 27 millions de dollars, lui a valu d'être taxé de mégalomanie et de mauvais usage de fonds publics dans cette période d'inflation des prix des produits alimentaires.