Publication d’un recueil de textes sur le cinquantenaire du Burundi
Société

@rib News, 26/06/2012

Littérature : le Café Littéraire Samandari a accouché d’un livre

Daniel Kabuto

A la veille de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi, dans la ville de Bujumbura, les maisons font peau neuve à la chaux ou aux couleurs bien mariées comme l’illustre à titre d’exemple, le siège de la société publique des télécommunications ONATEL. La propreté des rues et des boulevards donne déjà l’idée de l’importance particulière de l’événement historique. De temps en temps, certaines rues sont fermées pour permettre aux militaires et policiers de préparer leur défilé. Les citadins se gardent de grincer les dents. Ils comprennent. Ils attendent, patients comme un client ayant commandé un plat exquis. Bref, on est déjà dans l’ambiance du cinquantenaire.

L’armée nationale affirme maîtriser la situation. Les ministres en charge des questions de défense nationale, de sécurité, de l’intérieur et de la justice animent une conférence de presse pour rassurer l’opinion et donner des indications à suivre pour que les festivités du cinquantenaire se déroulent sans anicroche. Du côté du petit terrain de sport communément appelé « Stade COTEBU », la Première Dame du Burundi donne le coup d’envoi d’une croisade de prières et de chants religieux. Elle place le cinquantenaire sous d’heureux auspices ! Hélas, certains événements peuvent ainsi passer inaperçus au grand dam des organisateurs.

Au chapitre des bonnes nouvelles, les indiscrétions du palais tablent sur une présence de plus de dix chefs d’Etat et bien entendu de la présence confirmée du Prince héritier du trône de Belgique. La Chine se taille la part du lion avec la présence d’un émissaire spécial du Président Hu Jintao, d’une troupe culturelle et surtout du don d’un avion commercial pour relancer la compagnie nationale Air Burundi.

L’effervescence gagne la capitale avec l’achat des tenues spécialement conçues pour le cinquantenaire, avec l’organisation d’événements comme ces journées portes ouvertes à l’assemblée nationale, au sénat et dans certains ministères ; comme ce colloque international sur la démographie galopante et les impératifs du développement durable par le Conseil Economique et Social. Du côté des entreprises étatiques, paraétatiques ou privées, les messages de félicitations au Peuple et Gouvernement burundais tombent en cascade à la faveur des pages publicitaires télévisées inédites ou exceptionnelles.

Quelque chose change dans la République de Nyaburunga. La pluie tombe ou menace. Les choses bougent et du côté de la Place de l’Indépendance ou du Boulevard de l’Indépendance, les maçons et les charpentiers s’activent comme des abeilles dans une ruche. Le Burundi de lait et de miel est-il enfin à notre portée ?

C’est néanmoins loin d’être l’avis des auteurs d’un recueil de textes publié par le Café Littéraire Samandari de Bujumbura. L’ouvrage qui vient d’être présenté au public dans l’ambiance d’un café littéraire en plein air au Musée Vivant de Bujumbura le samedi 23 juin 2012 à partir de 19 heures se distingue par une forte dose de désillusions, d’indignation mais aussi d’espoirs.

« Indépendance » ou « In-dependance », la vérité est que le livre traite du thème du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi. Quatorze auteurs ont effectué une retraite à Banga de Bukeye pour écrire et ouvrir leurs cœurs comme des sages en quête de remèdes pour une nation malade de son passé douloureux, trop violent. La faute n’est plus rejetée au colon d’antan mais bel et bien à « nos compatriotes » contemporains. Toutes les plaies, tous les maux dont souffre le Burundi ont été passés au crible, sans faux fuyants ni victimisation.

Le livre titille. Le ton est franc, bien sévère. Les arguments arrachent les cheveux aux farceurs, confondent les naïfs et les vaniteux. C’est tout en l’honneur de la démocratie burundaise que les auteurs s’expriment aussi librement, critiquent, se défoulent et partagent leurs idées dans des espaces gracieusement offerts par le régime en place! A une certaine époque, on aurait traité d’ennemis d’Etat ces scribes qui n’ont rien à avoir avec les rédacteurs de la fameuse lettre ouverte à quelque dictateur dans les années 80 !

« In-dependance », c’est une lecture à recommander et l’exploit sans doute à rééditer. Il faut sortir du carcan des mentalités rétrogrades, du cercle vicieux de la folie des grandeurs et des bévues. Il m’est difficile d’en dire davantage. Il n’est jamais honorable d’être à la fois juge et partie. Mais qu’est-ce qu’on a été aux anges ce samedi en dégustant les morceaux choisis du recueil ! L’entrée était libre et gratuite, avec le partage d’un verre et de petits fours en prime.

On l’aura probablement compris, je fais partie des quatorze auteurs qui disons grand merci à l’UNESCO pour l’appui à l’organisation de la retraite de Banga. Merci à l’Ambassade de la République Fédérale d’Allemagne pour les frais de publication du recueil. Merci à la Coopération Suisse qui, à travers Sembura, a financé les frais d’édition. Merci à DHL, Fruito et Brucargo pour le soutien à l’organisation de la soirée de présentation.

Merci surtout au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture pour tous les appuis au Café Littéraire Samandari (qui se réunit tous les jeudis dans la salle offerte par le Centre Burundais pour la Lecture et l’Animation Culturelle, CEBULAC). C’est ici une invite aux autres mécènes à soutenir l’écriture et les talents littéraires du Burundi. Le recueil « In-dependance » est en vente à Bujumbura pour la petite somme de douze mille francs burundais. Le tirage est moins important : juste un millier d’exemplaires.

Disons au demeurant que d’autres projets du Café Littéraire Samandari et de l’Association des Ecrivains du Burundi  souffrent dans les placards, faute de financements. Un vœu ? Démarrons le centenaire dans la paix et la justice pour tous, en œuvrant pour la promotion de l’écriture au Burundi. Les talents abondent mais ont longtemps fait profil bas devant l’autre passion pour l’alcool. La présentation du recueil a permis de plaider, de faire oublier le tintamarre des saltimbanques. Soutenons les auteurs confirmés ou en herbe.

Bujumbura, le 26 juin 2012

Daniel KABUTO, Ecrivain et Consultant Indépendant.