Suisse : L'association HOZA vient de fêter ses 15 ans
Diaspora

@rib News, 25/10/2012

Solidarité avec de jeunes burundais en précarité.

Quinze ans d’action de HOZA en leur faveur.

Par Perpétue Nshimirimana

En 1997, un groupe de  femmes et d’hommes résidants en Suisse ont créé l’association Hoza avec pour objectif principal de soutenir la poursuite de la scolarité des jeunes burundais orphelins et/ou réfugiés dispersés sur plusieurs pays d’Afrique y compris au Burundi. A l’occasion du quinzième anniversaire de son existence, le bilan du travail accompli a été évoqué par les membres de l’association et ses bénéficiaires. Ainsi, depuis cette date, un millier de jeunes ont entamé ou repris leurs études à raison de quelques soixante ou septante-cinq jeunes burundais sélectionnés chaque année. L’aide de HOZA leur a permis de s’acquitter des frais de scolarité et de couvrir quelques besoins de première nécessité liés aux exigences de leurs études.

Cette contribution a souvent été pour eux le début de la résolution de problèmes en apparence insurmontables.  Cette aide, toute bienvenue, demeure une goutte d’eau face à l’ampleur des besoins. Néanmoins, les bouts de ficelle mis les uns aux côtés des autres, complétés par la détermination des concernés à s’en sortir, ont fini par donner des résultats visibles.

 Le samedi 06 octobre 2012, au Casino de Montbenon, dans la salle des fêtes, une des plus grandes salles de spectacle de la ville de Lausanne en Suisse, une soirée caritative  s’y est tenue  pour fêter les quinze ans de l’association. Placée sous le signe de la multi-culturalité, la soirée réunissant plus de cinquante artistes d’horizons divers a bénéficié du soutien logistique de la Société Artousrose. Cette dernière, connue pour avoir  monté plusieurs spectacles et ateliers en tous genres,  est dirigée par Mme Rose Mariethoz. Elle était assistée par une équipe technique imposante et compétente. Pour la partie de l’animation et des intermèdes, le journaliste M. Nando Luginbuhl en a assuré la réalisation. [Photo : Casino de Montbenon, Lausanne - Source : savoieetsuisse.kazeo.com]

Cette soirée grandiose a vu les filles et les femmes du Burundi présenter les  danses d’évocation des  symboles du folklore et la tradition du pays. Le chœur de Savigny, une localité située non loin de la ville de Lausanne, a entonné quelques-uns  de  ses plus beaux chants. Beaucoup de joie et de chaleur ont empli le casino grâce aux prestations des  danseuses du ballet oriental Odalia, des chants du Brésil, quelques figurations de la danse indienne exécutées par Ta Ka Dimi Baratha et la souplesse des danseurs de l’école « Salsa y Dulzura » de  Renens, dans le canton de Vaud.

Enfin, quelques prouesses acrobatiques  par des danseurs de break dance et du Hip-Hop ont ravi les spectateurs.  Un public très nombreux a répondu présent à l’invitation pour la grande joie des membres de l’Association Hoza.

  
Une vue des femmes et jeunes filles burundaises en présentation de danses traditionnelles.

En plus de l’ambiance musicale, un espace de découverte culinaire avait été aménagé.  Le public a  pu apprécier les spécialités de plusieurs pays. Des petits -pois venus directement du Burundi, du sombé (feuilles de manioc), du riz au safran, de l’émincé de poulet à la crème de  noix de coco, des sambusa, des beignets chauds etc.   Parmi les variétés de desserts, du cake au manioc,  une  spécialité du Burundais Angélo Barampama, professeur de géographie !

Puis, une émouvante lecture publique a eu lieu.

A l’occasion d’intermèdes, le journaliste Nando Luginbuhl a, tout au long de la soirée, lu à l’attention de l’auditoire, une lettre reçue d’un des bénéficiaires.

« Hoza a permis de résoudre les obstacles matériels », apprend-t-on.

En 2003, Barnabé Barasokoroza était étudiant et résident au camp de réfugiés de Muyovozi (Tanzanie). Il a déclaré que l’aide lui octroyée avait été utilisée pour :

« … Payer le minerval, acheter du pétrole pour étudier la nuit, acheter le matériel scolaire, surtout les cahiers qui manquent trop, acheter les habits et la nourriture. (…) »

C’est sous ce titre évocateur de  « Quand la Solidarité crée des miracles » que l'ambassadeur Félix Ndayisenga a envoyé un message à HOZA à l’occasion de ce 15ème anniversaire.  En effet, en 1999, il était étudiant en Côte d’Ivoire et présidait  le groupe SASAGARA CULTURE.

Voici un extrait de son message :  

« 1999, les compatriotes me prêtent l’honneur de présider aux destinées de leur Solidarité pour un mandat d’une année, mandat renouvelé l’année suivante. Les défis se sont multipliés  du fait des années blanches successives à l’université de COCOCDY, occasionnant l’éjection d’un grand nombre de ceux qui bénéficiaient de l’assistance du HCR et de la FONCABA. Les deux organisations conditionnaient en effet la reconduction de l’assistance à la présentation de preuves de réussite de l’année précédente. De l’angoisse, du désespoir… et de la misère ! Je me tournais  alors du côté de HOZA pour lui présenter la misère réelle qui en était venue à défier notre Solidarité !

HOZA, voilà un impératif qui, greffé de son complément, trouve son sens plein : HOZA ABARIRA.

L’âme murundi incarne un génie extraordinaire, celui d’exprimer à travers les noms, l’essence même des choses nommées. Une lettre, une misère exprimée, un projet exprimé, et une suite favorable, non conditionnée. L’année 1999 et les suivantes furent sauvées pour les étudiants qui croyaient leur avenir planté ! Une somme accordée, pas vraiment trop imposante en chiffres, mais reflet d’une solidarité généreuse de la part des Burundais qui se saignaient  en Suisse, symbole d’une solidarité vivante et agissante. Et, Hoza fit un geste de solidarité »

« Par la solidarité, la cinquantaine d’étudiants partis en Côte d’Ivoire sans beaucoup espérer des lendemains  vécurent, accédèrent à la haute formation académique, et par la suite retournèrent dans leur mère patrie. Qui aurait prédit ce qu’ils sont devenus ? La mère patrie bénéficie actuellement  de leur contribution pour sa reconstruction. Même si les faits et gestes ordinaires arrivaient à verser dans le sentiment d’un oubli ingrat, même si les beaux temps jouaient à nous distancer des durs moments de l’époque, nous sommes nombreux, encore plus nombreux qu’il n’apparaît, à caresser cette mélodie intérieure toujours renouvelée : « je suis le produit de la solidarité, vive la solidarité.

Que HOZA tire davantage de force de cette mélodie pour se glorifier de ses efforts et en tirer davantage d’énergies pour se redéployer ! »

« HOZA a transformé ma vie ».

La phrase est de Nikobitungwa Epimaque, ancien étudiant et résidant au camp de Muyovozi (Tanzanie), bénéficiaire du soutien de l’association. Il  dit en l’occurrence :

« Nous étions à Kigoma, une ville tanzanienne sur la côte Est du lac Tanganyika pour une session du test national de fin d’études secondaires de la RDC (République Démocratique du Congo) qui avait aussi un nombre important de réfugiés établis dans plusieurs camps en Tanzanie. C’était un certain jour du mois de juin en 2001. Le Directeur de notre école (Lycée de l’Espérance), Prosper Nshimiye, m’appelle en même temps que d’autres camarades. Je m’attendais plutôt à des ordres ou peut-être aussi à des interrogations sur notre appréciation de l’examen en question. Grande surprise ! Quelqu’un nous avait envoyés, chacun une somme équivalent à 48.000 Shillings Tanzanien. C’était de loin la meilleure nouvelle de tout mon séjour en Tanzanie. Je n’avais jamais eu à toucher un tel montant dans mes mains depuis ma naissance.

Je n’arrivais pas à me retrouver.

Il a pris du temps pour me rassurer qu’il ne s’agissait pas d’un rêve » Il a ajouté plus loin : « L’aide de Hoza a restauré ma confiance et mon optimisme naturel. De plus, elle m’a encouragé à avancer dans mes études. En 2002, je faisais partie du groupe de 20 bénéficiaires de bourses d’études aux universités tanzaniennes, une chance très rare dans les camps de réfugiés (Les 20 provenant de tous les camps, après examen). J’ai appris que HOZA a assisté nombreuses autres personnes en situations difficiles.

 Merci à HOZA, merci aux membres de HOZA. Tout ce que j’ai en retour pour HOZA, c’est mon engagement à aider les autres à se relever, autant que je le pourrai. Vive Hoza. »

Prosper Nshimiye, quant à lui,  ancien directeur du Lycée de l'Espérance, dans le camp des réfugiés de Muyovozi (en Tanzanie)  par qui transitait l'aide pour les élèves et les étudiants, s'exprime à l'occasion de ce 15ème anniversaire :

« … En tant qu’ancien Directeur d’une école secondaire d’un des camps de réfugiés en Tanzanie, le Lycée de l’Espérance, je sais combien l’association a changé, à long terme, le cours de la vie de plusieurs de nos élèves et, à court terme, la vie des professeurs. En effet, vers la fin des années 1990 et le début des années 2000, le Lycée de l’Espérance a ouvert ses « portes » en même temps que le camp des réfugiés de Muyovozi.

N’étant pas considéré comme un besoin primordial à la vie des réfugiés, l’enseignement secondaire et, donc le Lycée de l’Espérance, ne recevait aucune aide de l’UNICEF au même titre que les écoles primaires.

Les bénévoles qui enseignaient au Lycée de l’Espérance ne recevaient rien comme compensation au travail d’encadrement qu’ils donnaient aux jeunes adolescents vivant au camp.  Ils furent alors obligés de demander aux parents de leurs élèves de cotiser une certaine somme d’argent pour les soutenir.  C’est ici que sont intervenus les bienfaiteurs, dont l’Association HOZA, en payant la contribution des parents pour les élèves orphelins. N’eut été le soutient de l’Association Hoza ces élèves n’auraient pas pu continuer leurs études et, qui sait, même l’école aurait pu fermer faute de motivation suffisante pour les professeurs.

Comme je le soulignais plus haut, cette intervention de l’Association HOZA a changé la vie de certains élèves, en leur permettant de poursuivre leurs études secondaires et, plus tard, leurs études universitaires. Pour le moment, certains d’entre eux sont en train de servir notre mère patrie et cela dans tous les secteurs de la vie du pays »…

Joseph Nyandwi, étudiant en médecine à l’université du Burundi en 1996 témoigne. Ses études  se sont subitement arrêtées en 1996  à la suite du massacre des étudiants à l’université :

« Après 4 ans (sans activités académiques), quand j’ai constaté que certains étudiants commencent à réintégrer l’université mais qu’ils ne dormaient pas dans les campus et ayant remarqué que sans parachever mes études mon avenir sera biaisé, j’ai cherché Fr Emmanuel NTAKARUTIMANA. Je lui ai parlé de mon problème.

Je me suis fait inscrire  en 3ème Année de Médecine en 1999. C’est ainsi que j’ai commencé à être assisté par HOZA pour payer le loyer dans le quartier, Kamenge, où je pouvais habiter et le déplacement car j’avais acheté un vélo à travers cette aide. J’ai alors continué mes études comme externe pendant 3 ans puis quand les conditions de sécurité étaient améliorées, j’ai été logé au campus universitaire. Vous voyez que sans le concours de HOZA je ne pouvais pas réintégrer l’université car je n’avais pas où loger par conséquent je ne pouvais pas étudier.

J’ai alors continué mes études jusqu’à l’obtention du Doctorat en Médecine Générale. L’association HOZA se trouve sur la page des remerciements de ma thèse »… Il a ajouté plus loin : « Actuellement, j’assiste 7 élèves dont 3 à l’école secondaire et 4 à l’école primaire. C’est la main de HOZA qui agit toujours. Pour terminer, je remercie infiniment l’association HOZA qui peut être fière d’avoir un Universitaire parmi ses œuvres et d’avoir aussi des enfants qui sont en train de bénéficier  des actions combien louables que HOZA a initié »

Marlène Nahimana, également, bénéficiaire  témoigne :

« Je tenais à remercier l’association HOZA pour toute l’aide qu’elle m’a apportée durant  les moments difficiles. Cette aide m’a permis d’acheter quelques matériels scolaires, payer le transport durant mes études. Maintenant je suis diplômée depuis fin 2009 (en licence de Gestion des Systèmes d’Information).   « Depuis un an, j’aide à mon tour, comme l’association l’a fait pour moi, une jeune fille en difficulté à payer ses études, matériel scolaire, l’uniforme : il y a également ma petite sœur à qui je paie le minerval »

Spontanément, les bénéficiaires de l'aide HOZA ont senti le besoin de continuer cette chaîne de solidarité en posant le même geste de soutien  aux personnes de leur choix qui sont dans la nécessité.

C'est la  meilleure  des récompenses  reçues par les membres de l'association.

Perpétue Nshimirimana

Lausanne, le 25 octobre 2012.