Briser enfin l'omerta et médiatiser l’assassinat de Ngendandumwe !
Pierre Ngendandumwe

@rib News, 17/01/2013

L’année 2013 marque la résurrection symbolique de Pierre de Ngendandumwe

Par Salvator Sunzu, journaliste

 Il aura fallu plus de 50 ans pour que certaines langues se délient. Et pas nécessairement celles que l’on attendait. Les contemporains du deux fois Premier ministre burundais préfèrent toujours le silence à la parole libératrice. Mais force est de constater qu’une certaine génération supporte mal la lourdeur du passé et se sent lasse d’en supporter le poids. Une manière à elle de dénoncer les legs douloureux qui hantent ses vies et crée en elle le mal de vivre qui s’exprime sporadiquement à travers des violences. Cela fait donc des dizaines d’années que le 15 janvier de chaque année est passé presque inaperçu. Comme si de rien n’avait été alors que le pays a été poignardé dans le dos en cette même date.

Cette année a été différente des autres dans le traitement et la "visibilité" de l’anniversaire de l’assassinat de Pierre Ngendandumwe. Rose Ntwenga et Perpétue Nshimirimana ont crié les premières. Compréhension si bien d’autres l’avaient fait avant.  ARIB.INFO s’est saisi du cas depuis plusieurs années déjà. Tout comme Iwacu.org aujourd'hui dont un article de Rénovant Ndarishinze qui  titre : Assassinat de Pierre Ngendandumwe : "Pourquoi ne pas commencer les enquêtes au sein de l’Uprona ?".

L’auteur s’interroge sur les circonstances de la nomination de Pierre Ngendandumwe au poste de Premier ministre "alors que son parti d’origine était divisé..." Il cite ensuite les propos d’Aloys Batungwanayo de l’Amepci Gira Ubuntu (Association pour la mémoire et la protection de l’humanité contre les crimes internationaux) : "Dans cette affaire, la part de vérité primordiale revient à l’Uprona. Ce parti qui se dit unificateur devait donner toutes les preuves en sa possession sur la mort d’un Premier ministre issu de ses rangs".

Le parti UPRONA des années 1960 était miné par les guerres intestines. Deux courants soufflaient en son sein : celui dit "Monrovia" qui se disait progressiste et modéré dont faisait partie Pierre Ngendandumwe, dominé par les Hutu. Et pour  M. Batungwanayo : "Le fait qu’il y avait dissension au sein d’un même parti et que Ngendandumwe appartenait à l’un d’entre eux, constitue une des pistes d’enquêtes". Et de constater aussi : "Chercher les auteurs du crime ne devrait pas être difficile car des procureurs de l’époque sont toujours en vie. Sa femme, toujours en vie, peut témoigner. Ceux qui faisaient partie de la marche-manifestation, qui n’a pas été interdite, sont connus. On sait aussi qui était pour ou contre la nomination de cette personnalité".

Zénon Nicayenzi par exemple, si prompt à parler dans les médias tout en gardant, du haut de son piédestal de Mushingantahe, un insolent silence sur cette période si sombre de notre passé, est maintes fois cité parmi les activistes de première heure du groupe "Casablanca" et qui était farouchement opposé à la nomination de Ngendandumwe.

Le président actuel de l’UPRONA ou président de l’UPRONA actuel (qui n’a rien à voir avec celui de Rwagasore), Charles Nditije ne tarit pas d’éloge pour "un homme animé du panafricanisme, frère-jumeau au Prince Louis Rwagasore au niveau idéologique et charismatique… un vrai Mudasigana qui mérite d’être reconnu comme leader, un grand nationaliste" avant d’émettre l’idée "d’organiser des émissions radiophoniques autour de cette personnalité’’. Mais sur les circonstances de l’assassinant de son idole, le président de l’UPRONA se rebiffe et se mure, préférant un "ceux qui ont tué Rwagasore, sont ceux-là même qui ont tué Pierre Ngendandumwe".

Mais sur une question bien précise da savoir pourquoi pas commencer par creuser autour des antagonismes au sein de l’Uprona, à l’époque divisé en deux blocs pour connaître la vérité sur les assassins de Ngendandumwe, la réponse de M. Nditije laisse pantois tout lecteur : "Évitons l’amalgame sur ce dossier’’. Pas tout lecteur, car un internaute a trouvé que "M. Nditije vient de resituer le débat qui commençait à déraper. Il a l’honneur de ne pas chercher à cacher les pistes fructueuses de la recherche de la vérité, et souligner que c’était des assassinats politiques et non pas tribaux pour qui veut bien lire".

Quelque soit la position de l’un ou l’autre, plus rien ne devrait être comme avant sur ce dossier Ngendandumwe. J’emprunte cette citation d'Albert Einstein, reprise par Déo Hakizimana, qui est d’un éclairage hallucinant: « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais (aussi surtout) par ceux qui les regardent sans réagir ». On lirait cette phrase mille fois sans s'en lasser. Elle est d'une telle d'une profonde qu'après la première lecture, l’on tient à s'assurer d’avoir lu juste et saisis toute sa portée.

Le 48ème anniversaire de l’assassinant de Ngendandumwe n’est pas passé inaperçu. Pas dans les médias en tout cas. Même si certains, dont ceux d’Etat, ont gardé un mutisme parfait. Se rappeler de cette date, célébrer, écrire, prier font partie du travail de devoir de mémoire qui ressuscite symboliquement le héros national et toutes les victimes emportés par un ouragan d’une haine stupide. C’est aussi baliser préventivement. "La seule chose qui permet au mal de triompher, c'est l'inertie des hommes de bien", dit toujours Mr Hakizimana lui-même citant un sage à qui il emprunte un passage de sa devise de vie.