Un temps d’arrêt pour honorer la Mémoire des disparus de 1972
Opinion

@rib News, 09/06/2013

Un temps d’arrêt pour honorer la Mémoire des disparus de 1972

Génocide des Hutu du Burundi en 1972-1973.

Cérémonies du Souvenir.

Lausanne (Suisse), le 9 juin 2013.

Par Perpétue Nshimirimana

 La date du 29 avril s’impose d’elle-même comme Journée de Deuil National au Burundi.

Personne ne peut contraindre les milliers de citoyens ayant été dépossédés des leurs à partir de ce jour, et les mois qui ont suivi, de faire comme s’il ne s’était rien passé. Continuer à réaliser des activités quotidiennes, comme si ce jour est un jour comme les autres, a été, chaque fois, une expérience amère et un inconfort moral à subir. Pendant les années de Parti-Etat et de Dictature militaire, un silence tacite a été imposé sur ce jour chargé de tant de malheurs pour les Hutu du Burundi.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

En aparté et dans la discrétion, au fond du cœur des Barundi, jamais, ce jour n’a été et ne sera plus semblable aux autres. En effet, chaque année à cette date, un temps d’arrêt a été pris, d’une manière ou d’une autre, pour honorer la Mémoire des disparus. A Lausanne, en ce samedi 29 avril 2013, dans la continuité du respect à témoigner à Haute voix aux disparus, un moment de recueillement a été organisé pour commémorer le quarante-et-unième anniversaire du Génocide des Hutu du Burundi en 1972-1973[1]. Des lumignons en forme de l’année 1972, debout sur une plaque blanche posée sur trois nappes de couleur noire, blanche et violette, sont restés allumés durant toute la cérémonie. Des intentions de prières ont été prononcées pour le repos des âmes de l’ensemble des personnes emportées par la barbarie des responsables politiques et militaires de cette époque.

La cérémonie a été, aussi, pour les personnes présentes, l’occasion de rappeler les conditions atroces du déroulement des arrestations. Aux premières heures de détention,  des séances de torture élaborée avec toutes sortes d’objets ont systématiquement été appliquées aux prisonniers. Autant, le motif de l’arrestation est resté inconnu, autant, la constante a été de donner la mort, de préférence, dans la souffrance. Au cours de la concertation ultérieure à la Cérémonie du Souvenir de Lausanne, il est apparu évident d’entreprendre une demande en Justice[2]. Après toutes ces années, c’est une démarche consciencieuse guidée par le sentiment du devoir de clarification envers la multitude de personnes accusées à tort, ensuite tuées, sous couvert d’une légalité artificielle.

C’est notre devoir de rappeler leur Innocence.

De ces condamnations à mort, les descendants des victimes Hutu subissent encore, aujourd’hui, des conséquences injustifiées dont une maltraitance à plusieurs égards. Et, la première d’entre-elles est la non-reconnaissance du Génocide des Hutu de 1972-1973 par tous les acteurs politiques successifs du Burundi.

Comment interpréter la régularité du silence entretenu depuis tant d’années par les dirigeants du Burundi, particulièrement, depuis la fin officielle des régimes de Parti-Etat et de Dictature militaire?

A cette question, quelques pistes de réponses se présentent.

D’un côté, ce serait la crainte, pour les divers acteurs ainsi que les responsables civils et politiques, d’hier à aujourd’hui, d’un désaveu moral généralisé, accompagné par la nécessité de répondre devant la Justice nationale et internationale des crimes contre l’Humanité et des crimes de Génocide. D’un autre côté, ce mutisme constituerait, de fait, la simple caution éhontée du Génocide des Hutu du Burundi en 1972-1973 !

Perpétue Nshimirimana.

Lausanne (Suisse), le 9 juin 2013.


[1] Comme celui du 21 octobre 1965.

Cfr Rapport Whitaker.

Cfr. Conseil de Guerre autorisé par l’arrêté ministériel n°130/8O9 du 21 octobre 1965  du Secrétaire d’Etat à la Défense, Michel Micombero. Après l’exécution arbitraire des condamnés, les comptes bancaires ont été bloqués, les maisons et autres biens saisis puis redistribués. Après celle de 1964, la deuxième vague de Hutu a pris le chemin de l’exil dans les pays limitrophes après octobre 1965. Cfr les archives du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R)

[2] En accompagnement du travail de justice, un devoir d’information demeure nécessaire sur la question du Génocide des Hutu du Burundi. De plus en plus, il est de notre devoir de citoyen burundais de rejeter tous les mécanismes en vigueur et les tactiques diverses qui visent constamment à occulter la réalité du génocide des Hutu en parlant  par euphémisme de « crise de 72 » ou « de conflit ethnique ».

Rappelons, notamment,  la preuve de la préméditation contre les Hutu.  C’est le Conseil de guerre du 6 mai 1972, qui par la décision RMP.48.229/OC,  a autorisé  l’arrestation sans motifs expliqués, suivie d’exécution sur toute l’étendue du pays d’innombrables citoyens… Auparavant pendant des mois, des listes de personnes à arrêter et des biens à saisir, aussitôt, avaient été confectionnées avec soin.

Enfin, un devoir de respect est, aussi, à observer. Ainsi, plusieurs gestes à poser en mémoire des disparus comme la localisation, l’accès et la protection des fosses communes, la construction de lieux de mémoire etc.

La porte reste ouverte à toutes les suggestions qui vont dans le sens de sortir de l’oubli imposé (ou de dénoncer les fausses accusations)  sur les disparus du génocide de 1972-1973 par les autorités politiques du Burundi.