L'ANC plébiscité, Jacob Zuma propulsé vers une présidence à risques
Afrique

@rib News, 27/04/2009 – Source AFP

Jacob ZumaLe Congrès national africain (ANC) a remporté les élections générales du 22 avril en Afrique du Sud avec une très large majorité, ouvrant tout grand les portes de la présidence à son chef, le populaire mais controversé Jacob Zuma.

Le prochain chef de l'Etat disposera d'une très large majorité, avec 65,9% des suffrages, soit 264 députés sur 400. L'ANC a cependant échoué au seuil de la majorité des deux tiers dont il disposait depuis 2004, selon les résultats officiels publiés samedi. par la Commission électorale indépendante (IEC).

L'opposition a amorcé une recomposition, l'Alliance démocratique (DA) se renforçant à 16,68% des voix contre 12%, suivie par le Congrès du peuple (Cope), formé par des dissidents de l'ANC, avec 7,42%.

La victoire de l'ancien mouvement de lutte contre l'apartheid conforte également le soutien à l'aile gauche, qui a évincé de la présidence du parti en décembre 2007 le chef de l'Etat d'alors, Thabo Mbeki. Cet ennemi politique de Jacob Zuma était contraint neuf mois plus tard à démissionner de la présidence de la République.

La victoire du tout puissant ANC n'est pas totale, contrairement à ce qu'avaient espéré les partisans de "JZ", puisque la majorité des deux tiers au Parlement lui a échappé. L'opposition avait fait campagne sur ce thème, campant Zuma en dictateur en puissance impatient de changer la Constitution.

Zuma va devoir convaincre une élite rendue sceptique par ses déboires judiciaires. Des poursuites pour corruption à son encontre ont été abandonnées juste avant le scrutin.

Le tribun zoulou s'est réjoui samedi de la "splendide victoire" de son parti aux élections générales du 22 avril, qui le propulse vers une présidence à risques.

Tout aussi populaire que controversé, Jacob Zuma, 67 ans, doit être élu à la présidence par le nouveau Parlement lors d'une session extraordinaire le 6 mai, alors que la crise mondiale frappe de plein fouet la première économie du continent.

"Nous acceptons avec reconnaissance et humilité le mandat sans appel que nous avons reçu de millions de Sud-Africains", a affirmé le chef de l'ANC, employant le "nous" collectif traditionnel au sein du parti.

"Nous ne prenons pas à la légère la responsabilité qui nous est confiée", a-t-il continué, promettant de travailler à l'amélioration des services publics déficients dans un pays où 43% de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté, quinze ans après la chute de l'apartheid.

Car les attentes sont énormes, à l'échelle des frustrations dans la Nation arc-en-ciel de Nelson Mandela: le chômage frôle les 40%, hôpitaux, écoles et police manquent cruellement de ressources, des millions de personnes vivent toujours dans des bidonvilles, la criminalité bat des records et la pandémie de sida est la pire au monde.

La tâche paraît dantesque : le président va devoir concilier politique sociale et impératifs budgétaires à un moment où l'Afrique du Sud s'apprête à entrer en récession, pour la première fois depuis 17 ans.

Zuma a d'ailleurs exprimé son "inquiétude" face aux conséquences de la crise mondiale sur l'emploi. Des dizaines de milliers de postes ont été supprimé depuis la fin 2008 et 300.000 autres devraient l'être en 2009, notamment dans les mines et l'automobile.

Les analystes ne prévoient pas pour autant de changements importants de politique économique à court terme, d'autant que le budget 2009 prévoit déjà une augmentation de 4 milliards de dollars des dépenses sociales.

Le parti, ultramajoritaire au Parlement depuis les premières élections multiraciales en 1994, "doit maintenant réaliser qu'il a atteint un plafond et que, s'il ne tient pas ses promesses, il va perdre ses électeurs", relève Roland Henwood, de l'Université de Pretoria.

Un danger d'autant plus réel que l'opposition a amorcé une recomposition: l'Alliance démocratique (DA) s'est nettement renforcée à 16,68% des voix contre 12,8% (67 députés contre 50), suivie du Congrès du peuple (Cope), formé en décembre par des dissidents de l'ANC, avec 7,42% (30 sièges).

Dans l'ensemble, le parti au pouvoir "a perdu des voix depuis les dernières élections en 2004, un fait qu'il devrait prendre en compte", conseillait samedi l'hebdomadaire Weekender, relevant que la démocratie sud-africaine est toujours aussi dynamique avec un taux de participation de 77,3%. "Les Sud-Africains croient avec la même intensité qu'en 1994 au pouvoir du vote", se réjouissait-il.

La presse comme les observateurs ont d'ailleurs salué le bon déroulement du scrutin de mercredi. L'Union africaine (UA) a qualifié ces élections de "libres et équitables" malgré quelques irrégularités.

Face à la victoire annoncée de l'ANC, des milliers de Sud-Africains avaient commencé à célébrer dès jeudi soir cette quatrième victoire consécutive depuis l'avènement de la démocratie il y a quinze ans.

Le Premier ministre britannique Gordon Brown avait déjà félicité Jacob Zuma vendredi, même si ce dernier doit encore recevoir l'adoubement formel du Parlement, lors d'une session extraordinaire le 6 mai. La prestation de serment est prévue le 9 mai.

Le prochain gouvernement aura besoin d'un très solide soutien dans la difficile tâche qui l'attend avec 43% de la population sous le seuil de pauvreté et un taux de chômage frôlant les 40%.

Des statistiques susceptibles d'empirer alors que la première puissance économique du continent s'apprête à entrer en récession pour la première fois depuis 17 ans.

Jacob Zuma devra également s'attaquer à la criminalité, une des plus fortes au monde, et au sida qui ravage le pays.

NdlR : Pour rappel, c'est l'Afrique du Sud qui conduit la médiation régionale dans le processus de paix au Burundi. Avant son limogeage en 2005 de la vice-présidence sud-africaine, Jacob ZUMA était le principal représentant de la médiation sud-africaine au Burundi.