Burundi : L’Uprona est-il victime du système qu'il a lui-même instauré ?
Opinion

@rib News, 22/02/2012

L’Histoire nous apprend que l’Homme n’apprend rien de l’Histoire

Par Jonas Hakizimana

Actuellement, on parle beaucoup du « feuilleton UPRONA ». Le pouvoir cherche à détruire le parti UPRONA pour faire passer des lois jugées contraires à la démocratie par plus d’un. Pour arriver à ses fins, le pouvoir s’appuie sur la Justice, la Police et le ministère de l’Intérieur. La brutalité policière et l’instrumentalisation de la Justice sont les armes favorites du parti au pouvoir pour étouffer toute voie discordante. Le parti UPRONA devrait savoir qu’il est, aujourd’hui, victime du système qu’il a lui-même instauré.

Quand Nyaboya Isidore a été torturé et emprisonné injustement et que les juges qui l’avaient acquitté ont été révoqués, c’est l’UPRONA qui était au pouvoir. Manwangari trouvait normal que la Justice soit sous l’emprise de l’Exécutif. Kadege trouvait normal qu’une personne soit torturée. Quand Maitre Isidore Rufyikiri a été emprisonné pendant quatre ans pour avoir exprimé ses opinions, c’est l’UPRONA qui était aux commandes.

Quand les gendarmes ont tiré à balles réelles sur les étudiants de l’ENS en grève en 2003, Charles Nditije, alors Directeur de l’ENS, a justifié la mort d’un étudiant prénommé Gordien en disant que les étudiants étaient en train de lancer des pierres en direction des gendarmes. Le président de l’APRODH Pierre-Claver Mbonimpa qui réclamait justice pour la famille de Gordien a été traité d’avocat du diable par Charles Nditije.

Pendant tout le temps que l’UPRONA a passé au pouvoir, la Documentation nationale était là pour torturer et exécuter sommairement les personnes jugées à tort ou à raison comme opposants au pouvoir tandis que la Justice était le bras droit de l’Exécutif pour condamner injustement les personnes ayant des opinions contraires à celles de l’UPRONA.

L’UPRONA a gouverné le Burundi pendant plus de 30 ans. Ce temps suffit amplement pour construire un Etat libre et démocratique caractérisé par l’indépendance de la Justice et la neutralité des corps de défense et de sécurité. L’UPRONA n’a rien fait dans ce sens pendant tout ce temps, préférant plutôt adopter une politique répressive pour s’accrocher au pouvoir. C’est aujourd’hui que l’UPRONA se rend compte qu’il nous faut une Police neutre et professionnelle et une Justice indépendante ?

Même si l’UPRONA revenait au pouvoir un jour, il est difficile de prédire qu’il changerait quelque chose car les politiciens burundais n’apprennent rien de l’Histoire.

Si demain ou après-demain, un autre parti politique se trouve au pouvoir et que les membres du CNDD-FDD se voient refuser l’accès à leur belle permanence nationale par la même Police qu’ils sont en train d’utiliser aujourd’hui contre l’UPRONA, ils vont certainement crier à l’injustice. Si demain ou après-demain, les membres du CNDD-FDD se voient refuser la liberté de réunion ou s’ils sont conduits injustement à Mpimba par la même Justice qu’ils manipulent aujourd’hui à leur guise, ils vont réaliser que l’indépendance de la Justice est primordiale pour construire un Etat de droit.

Je connais la réponse que les membres du CNDD-FDD qui lisent cet article vont me donner : « Notre parti politique est tellement fort qu’il ne quittera jamais le pouvoir ». Un jour, quand Ntibantunganya Sylvestre était président de la République, il aurait dit : « Le FRODEBU restera au pouvoir jusqu’à l’avènement de Jésus Christ ». Est-ce que Jésus Christ est déjà revenu pour prendre son Eglise ?

Le parti au pouvoir devrait faire attention. Il a intérêt à faire du Burundi un Etat réellement démocratique à telle enseigne que le système reste démocratique même si les hommes ou les partis au pouvoir changent. Il ne sert à rien de construire un édifice qui s’écroulera à la première tempête juste après votre départ.

Hakizimana Jonas