Le Pays, 16/02/2015 VELLEITES DU PRESIDENT BURUNDAIS DE S’ACCROCHER AU POUVOIR : Nkurunziza, 13e apôtre du Christ Un collectif regroupant 304 organisations de la société civile demande au président du Burundi, Pierre Nkurunziza, d’annoncer officiellement qu’il ne sera pas candidat à l’élection présidentielle de juin 2015. A cinq mois de cette échéance, tout porte à croire que l’homme fort de Bujumbura passera outre cet appel pour s’accrocher au pouvoir, quitte à mettre son pays dans le chaos et la violence politique.
En effet, après avoir tenté vainement d’utiliser l’Assemblée nationale pour charcuter la loi fondamentale de son pays, Nkurunziza, par l’entremise de la cellule de communication de la présidence de la République, a opposé une fin de non recevoir à la demande de la société civile, le vendredi 13 février dernier. Le compte à rebours a commencé et le peuple burundais voit les jours s’égrener avec la peur au ventre. Cette peur est liée à la volonté d’un homme de confisquer le pouvoir, en renvoyant aux calendes burundaises toute idée d’alternance, advienne que pourra. Pourtant, les accords d’Arusha, signés en 2000 sous la houlette de Nelson Mandela et grâce auxquels le Burundi, après des années de déchirements politiques sur fond de haine ethnique, avait retrouvé une relative stabilité, ont été suffisamment explicites sur la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels : un mandat renouvelable une et une seule fois, soit 10 ans au maximum. Mais, l’ancien professeur d’éducation physique et ancien rebelle, devenu président de la République, semble n’en avoir cure. Pour lui, le Burundi a été taillé rien qu’à sa mesure. Le pays ne peut donc s’offrir le luxe de se séparer de ses services, après seulement 10 ans. Cette dimension messianique qu’il a façonnée pour sa personne, représente, de toute évidence, une sérieuse menace pour l’alternance et partant, pour la paix sociale et la démocratie. En effet, l’homme en est arrivé à croire, aidé en cela par les prophéties criminelles des courtisans qui ont élu domicile à la présidence, qu’il a été désigné par Dieu pour régner à vie sur le Burundi. Nkurunziza n’est pas un cheveu sur la soupe Les prêches auxquels le président se livre tous les dimanches dans son église, puisqu’il est pasteur évangélique en plus d’être chef de l’Etat du Burundi, peuvent être invoqués pour soutenir le fait que l’homme se considère comme le 13e apôtre du Christ. Il n’est donc pas à prendre pour un Burundais au même titre que les autres. De ce point de vue, Nkurunziza pourrait percevoir sa velléité de ne point quitter le pouvoir comme l’exécution d’une mission divine à lui seul confiée. Sacré Nkurunziza ! Peut-on être tenté de s’exclamer. Mais bien que cela soit révoltant, le comportement du président burundais ne doit étonner personne pour deux raison essentielles. D’abord, Nkurunziza est dans une logique de dictateur. Ainsi croit-il dur comme fer, par exemple, que ce qui est arrivé au Burkina les 30 et 31 octobre 2014 derniers et qui a entraîné la chute de Blaise Compaoré, ne peut en aucun cas inspirer le peuple burundais. Comme Saint Thomas, il attend de voir pour croire. Aveuglé par la boulimie du pouvoir et caressé au quotidien dans le sens du poil par ses partisans qui ne voient que leurs intérêts matériels, Nkurunziza a fini par se convaincre que la démocratie, à la saveur burundaise, n’a pas besoin d’alternance pour fonctionner. Et ni la proximité de la RDC où la rue avait grondé pour dire à Joseph Kabila de ne pas tripatouiller la Constitution, ni les sorties violentes des peuples de certains autres pays pour intimer aux princes qui les gouvernent de passer la main, n’ont encore suffi à contraindre Nkurunziza à revenir à de meilleurs sentiments, en changeant de paradigme politique. Ainsi sont faits les dictateurs et les tripatouilleurs de Constitutions de tous les pays. Leur entêtement pathologique à confisquer le pouvoir est difficilement guérissable. Cet attachement pathologique au pouvoir est d’ailleurs observable dans pratiquement tous les pays de l’Afrique centrale et de la région des Grands lacs. Nkurunziza n’est donc pas un cheveu sur la soupe. Il est un élément qui s’intègre harmonieusement dans un espace géographique peuplé de prédateurs de la démocratie. L’autre raison qui pourrait expliquer le fait que le président du Burundi se considère comme l’Alpha et l’Omega de son pays, est liée à la nature de la Constitution du Burundi. En effet, au pays de Nkurunziza comme d’ailleurs dans la plupart des pays francophones d’Afrique, l’on peut faire le constat que les Constitutions sont de type présidentialiste. Le président, dans ce contexte, est un demi-dieu, si fait que même les démocrates venus à la fonction nouvellement, peuvent être tentés de basculer dans l’autocratie. C’est pourquoi les Africains doivent impérativement travailler à se doter de Constitutions qui ne permettent pas à un seul homme, quelle que soit sa valeur intrinsèque, de croire, une fois au sommet de l’Etat, qu’il est sorti de la cuisse de Jupiter. Pousdem PICKOU NdlR : Le Pays est un quotidien d'un groupe de presse privé du Burkina Faso |