@rib News, 27/03/2015 RISQUES DE VIOLENCE SUR UN FOND DE TENTATION DE DYNASTIE RÉPUBLICAINE AU BURUNDI La situation explosive actuelle exige une politique proactive ferme de persuasion et de dissuasion par la carotte et le bâton pour prévenir la violence sur un fond de tentation d’établissement d’une dynastie républicaine au Burundi. Par Gervais Marcel Cishahayo Les dynasties républicaines ne sont pas uniques à l’Afrique. On les retrouve aussi ailleurs dans le monde sur des bases différentes et particulièrement en Europe, par exemple en France où, elles « ont en commun un patriotisme flamboyant, un républicanisme intransigeant, de solides racines académiques, avec, bien sûr, la passion familiale de la politique et de l'Etat » (Alain Duhamel : ‘Les dynasties républicaines, Le Point - Publié le 23/04/2009’). Aux USA les dynasties républicaines ont un caractère distinct avec une importance particulière accordée à la capacité de rassembler le financement nécessaire pour déterminer l’issue d’une campagne électorale où tous les coups et peaux de banane sont permis mais susceptibles d’être soumis à la rigueur de la loi et de la constitution.
Par le passé, tandis que certains pays qui ont choisi le chemin de l’alternance ont connu moins de violence et plus de stabilité et de développement, de nombreux chefs d’États africains ont succombé à la tentation de dynasties républicaines et dans certains cas même de présidence à vie qui se sont soldées par des tragédies dont les pays ont du mal à se remettre. La source des tensions actuelles au Burundi réside aussi dans une tentation d’établissement d’une dynastie républicaine à travers le refus de partage et de l’alternance au sommet du pouvoir par le parti CNDD-FDD au pouvoir depuis bientôt dix ans, et le rejet de cette tentation par l’opposition et la société civile. Le parti CNDD-FDD et ses partenaires au pouvoir ont-ils aussi péché par omission ? Au Burundi, les règles et les paramètres du système d’équations de partage du pouvoir politique sont établis par les Accords d’Arusha, la Constitution et les lois implicites et/ou explicites qui en émanent. Dans certains cas, ces paramètres sont clairement définis et exprimés en termes de pourcentages de postes attribués de droit aux différentes composantes de la population. Cependant, la réduction du partage de pouvoir à un simple exercice de répartition de postes aux dépens de partage de responsabilités en fonction des priorités et des compétences requises et surtout d’engagement individuel peut entraîner une course généralisée aux avantages matériels sur un fond de mauvaise gouvernance. Pendant deux législatures, le CNDD-FDD et ses partenaires au pouvoir (UPRONA, Frodebu-Nyakuri, etc.) se sont adonnés, voire limités, à des équilibres numériques qu’une certaine opinion qualifie de bricolages politiques qui ne reflétaient pas nécessairement le meilleur de ce que les communautés avaient à offrir aux institutions en terme de ressources humaines compétentes réellement représentatives et engagées pour en découdre une fois pour toutes avec les causes profondes du mal burundais qui sont une insécurité au sens le plus étendu du terme et une pauvreté chronique qui résultent d’une mauvaise gouvernance caractérisée par l’injustice sociale, la corruption rampante, l’impunité sélective et la violence. Alors qu’il n’y a pas longtemps le pouvoir pouvait prétendre être serein et uni pour vanter ses exploits réels ou imaginaires, au terme de deux législatures, aujourd’hui, en plus des dénonciations par l’opposition et la société civile, des défaillances et abus multiples faits ici et là, il est secoué par des dissensions internes qui s’étendent jusque dans les corps de défense et de sécurité. Notons en passant qu’il serait injuste d’attribuer au seul CNDD-FDD la responsabilité exclusive de tout ce qui ne va pas au pays car d’autres partis étaient et/ou sont encore aux affaires en vertus des quotas des Accords d’Arusha sur le partage du pouvoir. Les protagonistes de la scène politique burundaise semblent engagés dans « un jeu à somme nulle » où tous les scénarios même les plus extrêmes sont désormais envisageables. Ceci n’est pas de nature à rassurer les partenaires du Burundi qui dans certains cas peuvent être plus intéressés par la capacité d’un régime d’assurer la sécurité et la stabilité. Les Burundais et la communauté internationale sont avertis : les ingrédients et les signes avant-coureur d’une possible, mais pas inévitable, explosion de violence sont là pour qui veut voir et entendre. « Plusieurs spécialistes de la région ont essayé d’attirer l’attention ces derniers mois sur une possible détérioration de la situation dans cette région déjà très fragilisée. Les incidents se sont multipliés ces derniers mois: entraves à la liberté de réunion, atteintes à la liberté d’expression, arrestations arbitraires, assassinats… Un cocktail explosif. (TDG) » Les risques d’une nouvelle explosion de violence sur le fond d’une tentative d’établissement d’une dynastie républicaine au Burundi exige du Conseil de Sécurité des Nations Unies une politique proactive ferme de persuasion et de dissuasion par la carotte le bâton envers les principaux protagonistes pour prévenir une nouvelle descente aux enfers qui risquerait d’embraser de nouveau une région des grands lacs toujours en quête de sécurité et de stabilité. A propos de l’auteur Gervais Marcel Cishahayo est un membre de la diaspora burundaise depuis les années 1970s et établi à Malte, UE. Professeur, consultant sur les questions relatives à l’éducation, la géophysique, les NTICs, la diplomatie et les relations internationales, il est l’auteur d’articles d’analyses et de contributions diverses dans les médias sur l’immigration, la sécurité et l’intégration régionale. Avocat de la bonne gouvernance démocratique bien connu des milieux politiques et académiques et n’ayant jamais adhéré officiellement à aucun parti politique depuis les années 1980s, il est l’auteur d’une thèse d’analyse de la dimension de la sécurité de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) présentée à l’Académie Méditerranéenne d’Etudes Diplomatiques de l’Université de Malte. |