@rib News, 19/05/2015 - Source AFP Malgré la peur de la répression, les manifestants appelaient mardi au Burundi à une poursuite de la mobilisation contre le président Pierre Nkurunziza, qui tente de reprendre la main après le coup d'Etat et circonscrire la crise politique, à une semaine du début théorique des élections générales. Au lendemain d'une mobilisation en demi-teinte, l'activité reprenait timidement en centre-ville de Bujumbura, où quelques magasins ouvraient progressivement leurs portes. Des administrations avaient l'air également de fonctionner, avec quelques policiers ici et là devant les bâtiments officiels.
La situation était plus contrastée dans les quartiers périphériques, hauts-lieux habituels depuis trois semaines de la contestation populaire contre la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat à l'élection présidentielle du 26 juin. Des jeunes commençaient à se rassembler à Mutakura et Kinanira, où, malgré les slogans affichés de "non à la violence", ils montaient de petites pyramides de pierres le long de la chaussée, sans doute en prévision de possibles affrontements avec les forces de l'ordre. "Ce matin il y avait la pluie, on commence seulement à s'organiser", a expliqué Bernard, chômeur de 34 ans. "On ne peut pas arrêter les manifs tant que le président Nkurunziza ne retire pas sa candidature". "Le nombre de gens diminue dans les rues car ils ont peur des balles réelles", a-t-il expliqué. Mais l'objectif affiché des manifestants reste de pénétrer jusqu'au centre-ville, "ce qui sera fait dans le courant de la semaine", a assuré l'une des figures du mouvement, Pacifique Nininahazwe. Comme la veille, ce sont essentiellement des militaires qui sont déployés mardi dans les quartiers contestataires. Lundi, ces soldats, sans matériels de maintien de l'ordre et équipés de leurs armes habituelles, avaient géré avec difficulté des rassemblements allant de dizaines à quelques centaines d'individus, alors qu'ils intervenaient pour la première fois à la place de la police, accusée d'être aux ordres du pouvoir présidentiel. Visiblement mal à l'aise, les militaires avaient fait usage de leurs armes pour des tirs de sommation mais n'avaient pas tiré sur la foule, malgré d'évidentes tensions dans leurs rangs sur l'attitude à adopter face aux manifestants. Cinq jours après l'échec du coup d'Etat mené par un général et ex-compagnon d'armes du président Nkurunziza, ces incidents ont révélé au grand jour les divisions persistantes au sein de l'armée, jusqu'à présent louée par les manifestants pour sa neutralité, et qui avait refusé de prendre part à la répression. - Pas de 'plan de vengeance' - Pour la première fois mardi, la presse internationale s'est vue interdire l'accès d'un quartier contestataire, à Musaga. "Votre sécurité n'est pas assurée, c'est dans votre intérêt", a justifié un officier de police sur place. Il ne reste aujourd'hui quasiment plus de presse privée au Burundi, où la scène médiatique étaient pourtant très active ces dernières années. Quatre radios privées ont été attaquées pendant le coup d'Etat pour avoir diffusé le message des officiers putschistes, et sont fermées aujourd'hui. Seule la radio télévision publique (RTNB) continuent d'émettre et ne relaie que le seul message présidentiel. De nombreux journalistes, membres de la société civile et leaders du mouvement anti-troisième mandat vivent cachés par peur d'une arrestation ou des représailles des partisans du pouvoir. Les autorités burundaises, qui ont lié le coup d'Etat du 13 mai aux manifestations de rue, exigent l'arrêt du "soulèvement" populaire et ont averti les manifestants qu'ils seront désormais "traités comme des putschistes". Dans un communiqué publié mardi, la présidence a cependant adopté un ton plus conciliant, affirmant que "le gouvernement ainsi que ses différents services n'ont et n'auront jamais de plan de +vengeance+, comme nous le lisons et entendons ici et là". Les "personnes impliquées" dans le coup d'Etat "seront arrêtées et poursuivies par la justice, et uniquement par elle", selon la présidence. Une vingtaine de putschistes ont été arrêtés, mais le chef du complot, le général Godefroid Niyombare, est toujours en fuite, selon les autorités. Lundi, le président Nkurunziza a limogé trois de ses ministres, dont les ministres de la Défense et celui des Relations extérieures, pour leur gestion des derniers évènements. Le ministre de la Défense en particulier, Pontien Gaciyubwenge, a payé pour avoir réaffirmé la neutralité de l'armée et demandé à ce que cessent les atteintes aux droits constitutionnels des manifestants. Il est remplacé par un civil, avec comme chef d'état-major Prime Niyongabo, qui a montré sa fidélité sans faille au pouvoir, et sera sans doute le principal instrument de la reprise en main de l'armée. Quant à l'opposition politique, elle est pour l'instant muette. Le pays est pourtant déjà en campagne pour les élections communales et législatives le 26 mai, qui marqueront le début des élections générales, avec la présidentielle un mois plus tard, scrutins dont la communauté internationale demande avec insistance le report vu le climat actuel. |