Le Monde, 25.05.2015 Burundi : qui était l’opposant Zedi Feruzi, assassiné le 23 mai ? Au Burundi, les manifestations contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza secouent depuis près d’un mois le pays apportant chaque jour leur lot de blessés et de tués. Samedi 23 mai au soir, pour la première fois c’est un opposant qui a été visé. Zedi Feruzi, le président du parti de l’UPD a été assassiné dans le quartier de Ngagara alors qu’il rentrait chez lui, sous protection policière.
« L’UPD est un parti pour la paix », expliquait avec calme Zedi Feruzi, il y a quelques mois. Dans son bureau aux murs blancs, les bruits de la rue y résonnaient avec écho. S’il savait que l’UPD n’avait aucune chance de remporter le prochain scrutin, Zedi Feruzi souhaitait néanmoins peser dans le débat politique. Sa campagne était d’ailleurs déjà lancée, ses deux téléphones sonnant sans arrêt. De confession musulmane, cet homme à la barbe grisonnante était persuadé de pouvoir réunir le vote de 70 % de la communauté musulmane. L’évasion récente de l’opposant Hussein Radjabu venait rebattre les cartes et Zedi Feruzi espérait le voir rallier l’UPD. Diplômé de sciences politiques à l’université du Burundi, il avait enseigné plusieurs années l’histoire dans un lycée catholique de Bujumbura avant de revenir à ses premières amours, le droit. En 2006, il avait rejoint le ministère de la justice et travaillait au service national de législation. Dans le contexte politique tendu de ces derniers mois, Zedi Feruzi a toujours été sans concession. Il affirmait : « Certes, dans la constitution il y a certains articles ambigus mais l’accord d’Arusha est très clair. Le principe repose sur deux mandats ». Après le début des manifestations fin avril, il avait rapidement rallié la cause des manifestants. Il était d’ailleurs considéré comme l’« un des leaders du mouvement Arusha contre le troisième mandat », souligne la coordination de la campagne contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza dans un communiqué. Elle se dit par ailleurs « consternée » et condamne « cet acte ignoble ». Malgré les menaces qui pesaient visiblement sur lui – Zedi Feruzi faisait l’objet d’une protection rapprochée – il défilait tout de même dans le quartier de Musaga mardi dernier avec la population. L’opposant avait pour l’occasion tenu un discours rassembleur dans lequel il exhortait les manifestants à poursuivre leur combat : « Continuez, continuez cette lutte car nous avançons et nous nous rapprochons de la victoire. » Charlotte Cosset, contributrice Le Monde Afrique |