@rib News, 05/06/2015 – Source AFP Divisions, climat de terreur, généraux en fuite ou en prison : l'armée, symbole de l'unité retrouvée du Burundi après la guerre civile, est sérieusement mise à mal par la grave crise politique qui secoue le pays depuis plus d'un mois. Déjà déchiré depuis des mois sur l'attitude à adopter face à la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, le corps de défense, symbole d'une intégration réussie des soldats de l'ex-armée à dominante tutsi et des ex-rebelles hutu, est sorti meurtri de la tentative avortée de coup d'Etat mi-mai.
Immédiatement après ce putsch manqué, plusieurs généraux directement impliqués, dont l'ex-ministre de la Défense Cyrille Ndayirukiye, ont été arrêtés. D'autres ont fui, comme le chef des putschistes, le général Godefroid Niyombare, qui, selon des sources dans les services de renseignements et des proches, s'est réfugié dans un pays de la région. Des centaines d'autres putschistes sont sous les verrous ou en fuite, issus des deux camps ennemis au temps de la guerre civile (1993-2006). Le général Niyombare était lui-même un compagnon d'armes du président Nkurunziza dans la rébellion hutu CNDD-FDD, dont est issu le parti au pouvoir du même nom. Près de 150 soldats du 11e bataillon, fer de lance des putschistes, sont aujourd'hui emprisonnés à travers le pays. Selon des sources concordantes, environ 300 soldats de cette unité ont disparu dans la nature avec armes et bagages. Depuis deux semaines, d'autres responsables militaires n'ayant pas pris part à la tentative de coup, mais que le pouvoir accuse de complicité avec les putschistes, se disent victimes d'une purge : ils s'estiment ciblés pour leur appartenance à l'ex-armée burundaise pendant la guerre civile (FAB). Ces hommes ont été écartés des postes de commandement au profit des ex-rebelles CNDD-FDD et dénoncent un harcèlement permanent. "Je ne dors plus, je ne mange plus, j'ai failli fuir ce pays à plusieurs reprises", dit l'un d'eux. Sous couvert d'anonymat, il raconte avoir manqué d'être arrêté deux fois, que le pouvoir a à chaque fois reculé. Mais la menace demeure. Ce haut gradé ne sait pas à quoi s'en tenir et affirme ne pas être un cas isolé : "Aucun soldat issus des ex-FAB, depuis le militaire du rang jusqu'au général, ne se sent en sécurité". Depuis deux semaines, les arrestations se multiplient donc dans l'armée, essentiellement au sein des ex-FAB. Parmi eux, deux colonels, un major et un capitaine, selon l'Association pour la protection des prisonniers et des personnes détenues, qui évoque aussi le cas d'officiers portés disparus. "Nous, les ex-FAB, sommes les seuls visés, alors que ceux qui sont issus du CNDD-FDD ne sont pas inquiétés", dénonce un autre officier. - Méfiance - Le porte-parole de l'armée, Gaspard Baratuza, rétorque que "seuls ceux qui sont suspectés d'avoir trempé dans cette tentative de coup d'Etat sont arrêtés". Mais un observateur étranger le reprend sévèrement; jugeant que "le pouvoir est en train de détruire l'une des plus grandes réussites de Nkurunziza depuis qu'il est au pouvoir, l'intégration entre ex-rebelles hutu et ex-soldats tutsi". Le climat est d'autant plus délétère qu'au-delà des accusations de purge, des généraux auraient infiltré les putschistes, jouant un double jeu. Parmi d'autres, le général Silas Ntigurirwa, que le général Niyombare disait avoir à ses côtés, n'a ainsi jamais été inquiété, soulignent des militaires. Cette crise laissera des séquelles, d'autant qu'avant même la tentative de coup, l'armée était déjà divisée sur l'attitude à adopter face aux manifestations anti-Nkurunziza. Le ministre de la Défense en poste avant le putsch raté, Pontien Gaciyubwenge, général tutsi issu des FAB, avait proclamé sa neutralité. Limogé peu après, il a fui à l'étranger. Son chef d'état-major Prime Niyongabo, ex-rebelle CNDD-FDD, le poussait à s'engager dans la répression aux côtés de la police. Pour le Burundi, les conséquences sont potentiellement explosives : la parité dans l'armée - composée à égalité de Tutsi et Hutu dans un pays majoritairement hutu (85% de la population) - est considérée comme un acquis fondamental de la paix retrouvée et un gage de stabilité. "Le jour où ils vont vraiment diviser l'armée, ça ne sera pas comme ce qu'on vient de vivre avec les manifestations", estime un officier. "C'en sera fait de la nation et du Burundi". |