Le Figaro, 09/06/2015 Au Burundi, le gouvernement ne lâche rien La commission électorale a proposé de fixer la date de l'élection présidentielle au 15 juillet. Le scrutin avait été repoussé sine die début juin, après huit semaines de grave crise politique. La Commission électorale du Burundi (Céni) a proposé lundi soir un nouveau calendrier électoral qui fixerait l'élection présidentielle au 15 juillet. Le président Pierre Nkurunziza, dont la candidature à un troisième mandat présidentiel a déclenché une intense crise politique et des violences, avait le 4 juin reporté sine die les scrutins législatifs et communaux prévus le lendemain, et la présidentielle du 26 juin.
Ce report technique est surtout le fruit des pressions des États d'Afrique de l'Est qui, lors d'un sommet, avaient demandé un délai «d'au moins un mois et demi» du processus, un temps nécessaire à leurs yeux pour trouver une alternative aux heurts qui s'annoncent. Les dates choisies, que le président doit encore entériner, paraissent cependant bien proches pour apaiser la situation. Selon Pierre-Claver Ndayicariye, le président de la Céni, un délai plus important était impossible : «Au-delà de ces dates, le Burundi tombera dans un vide institutionnel que personne ne souhaite». L'opposition politique et la société civile, qui conduisent la fronde contre le chef d'État sortant, ont vite rejeté les propositions. Charles Nditije, l'un des ses dirigeants, assure que la Céni n'est plus apte à jouer son rôle depuis que deux de ses cinq membres ont préféré prendre la fuite. «On ne peut pas organiser des élections aujourd'hui si on ne s'assoit pas ensemble pour négocier la mise en place d'une nouvelle Céni», affirme-t-il en posant ses conditions, notamment une meilleure sécurité, le désarmement d'un groupe proche du pouvoir et l'abandon des ambitions de Pierre Nkurunziza. Pacifique Nininahazwe, un autre opposant, fustige un calendrier publié dans la «précipitation» et sans «aucune consultation des partenaires». «Actions de plus en plus violentes d'une milice progouvernementale» La communauté internationale a, depuis plusieurs semaines, exprimé son opposition à l'organisation d'une élection de ce «climat peu propice». «Des scrutins libres sont impensables dans ces conditions», affirme un diplomate. Un mois et demi de manifestations et de répressions dures qui ont fait au moins 20 morts, a rendu impossible toute campagne électorale. La Céni, organisatrice du processus, est diminuée. Les médias privés sont tous de facto fermés. Les bailleurs, notamment l'Union européenne, se sont retirés, faisant peser des questions sur les capacités techniques de l'administration à mettre en place le vote. Malgré tout, plusieurs sources estiment probables que le calendrier suggéré par la Céni soit retenu par le gouvernement. Seul le sommet de l'Union africaine, qui doit se tenir mi-juin, pourrait encore influencer Bujumbura. «Face à la violence, la mobilisation contre Nkurunziza marque le pas depuis plusieurs jours. Le pouvoir entend en profiter», souligne Thierry Vircoulon, analyste pour l'International Crisis Group (ICG). Mardi, le Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, s'est inquiété des actions «de plus en plus violentes et menaçantes» d'une milice progouvernementale qui «pourraient faire basculer une situation déjà extrêmement tendue». Par Tanguy Berthemet |