@rib News, 12/06/2015 - Source AFP La crise au Burundi et la question des migrants seront deux des sujets majeurs d'un sommet de l'Union africaine dimanche et lundi à Johannesburg, où les analystes n'attendent guère de décision d'une instance continentale qui s'efforce souvent d'éviter les sujets épineux. Comme c'est souvent le cas, le thème officiel du sommet - "L'année du développement et de l'émancipation des femmes" - devrait être largement éclipsé par des sujets à l'actualité brûlante: la question des migrants, qui risquent leur vie par milliers pour gagner l'Europe. Les mouvements islamistes armés qui menacent les États depuis l'ouest du Sahara jusqu'au Kenya. La guerre civile au Soudan du Sud.
Et bien sûr les violences au Burundi, provoquées par la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, en violation de sa propre constitution. Celui-ci n'avait toujours pas annoncé sa venue à deux jours du sommet. "La situation au Burundi n'est pas réglée", commente Tjiurimo Hengari, chercheur à l'Institut sud-africain des affaires internationales. "Je pense que les deux années à venir vont être cruciales (pour l'Afrique), notamment à la lumière d'une menace nouvelle que l'on voit émerger: la question des amendements constitutionnels pour permettre aux chefs d’État en place de briguer un troisième, voire un quatrième mandat". Pour Gilbert Khadiagala, chef du département des relations internationales à l'université Witwatersrand de Johannesburg, il ne faut pourtant pas s'attendre à ce que le sommet de Johannesburg débouche sur des décisions spectaculaires. "On met beaucoup de sujets à l'ordre du jour pour pouvoir faire des communiqués, pour dire que l'Afrique s'inquiète de la crise des migrations, par exemple", estime-t-il, mais "les discussions de fond entre leaders sont rares, ils préfèrent contourner les sujets qui fâchent pour éviter les frictions". Et de rappeler que le président en exercice de l'UA, le Zimbabwéen Robert Mugabe, est au pouvoir depuis 1980 sans discontinuer, et que les présidents congolais Joseph Kabila et Denis Sassou Nguesso sont tous deux engagés dans une révision des textes pour se maintenir au-delà de 2016. Difficile dans ces conditions de donner des leçons à leur homologue burundais. - 'Limiter les dégâts' - "Il faudrait un débat franc pour se demander pourquoi les progrès de l'Afrique, c'est toujours deux pas en avant, trois pas en arrière", insiste M. Khadiagala. Sur la délicate question des migrations, l'Afrique du Sud, hôte du sommet organisé dans le luxueux centre des affaires de Sandton à Johannesburg, s'est tristement illustrée en avril avec une nouvelle vague de violences xénophobes dirigées contre les ressortissants africains. Au moins sept personnes ont été tuées, mettant dans l'embarras le pays de Nelson Mandela, qui se veut officiellement une terre d'accueil pour les réfugiés du monde entier. A l'autre extrémité du continent, 1.800 personnes se sont noyées en Méditerranée depuis le début de l'année en tentant la traversée sur des embarcations surchargées, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dimanche matin, une session à huis-clos, avant la cérémonie d'ouverture, sera consacrée à ces deux sujets: migrations et xénophobie. "Il est très intéressant que les chefs d’États aient prévu une session sur ces questions très sensibles", note l'analyste Liesl Louw-Vaudran: "L'Afrique du Sud est consciente de l'impact de la xénophobie (sur son image, ndlr), et sait qu'il faut s'efforcer de limiter les dégâts". Dans une rencontre avec la presse avant le sommet, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères Maite Nkoane-Mashabane a cru bon de réaffirmer la solidarité de son pays avec le reste du continent: "Notre avenir est intimement lié à celui du continent. Nous sommes membres de la famille des nations africaines", a-t-elle dit. Autre problème majeur de l'UA: le financement. L'Union, autrefois largement financée par la Libye de Mouammar Kadhafi, et aujourd'hui largement aidée par la Chine et les États-Unis, peine à boucler son budget. M. Mugabe pourra toujours se lancer dans ses habituelles diatribes contre l'impérialisme occidental et le colonialisme. "Tant que l'UA ne sera pas financée par ses propres États membres, l'indépendance et la crédibilité de l'institution pourra toujours être mise en cause", pointe la politologue Mme Louw-Vaudran. |