PANA, 04 septembre 2015 Le bâton et la carotte du pouvoir face à la ténacité des détenteurs irréguliers d’armes de guerre au Burundi Bujumbura, Burundi - Les détenteurs et utilisateurs des armes de guerre pour semer l’insécurité ont, trois semaines, pour les remettre volontairement, moyennant des garanties de non poursuites judiciaires, ou alors de courir le risque de s’exposer à la rigueur de la loi en cas de refus d’obtempérer, a avisé, vendredi, le ministre de la Sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni (photo). Dans les quartiers contestataires du pouvoir à Bujumbura, la capitale politico-économique du pays, des tirs nourris et des explosions de grenades nocturnes d’individus non encore clairement identifiés sont devenus fréquents, ces derniers jours.
L’avertissement a été donné par le ministre lors d’une tournée d’inspection des opérations de fouille-perquisition de la police nationale à la recherche des armes détenues illégalement et qui alimentent l’insécurité dans les quartiers de Bujumbura qui se sont fortement impliqués dans le mouvement des trois derniers mois de contestation de la candidature du président de la république, Pierre Nkurunziza, pour un troisième mandat à la tête du pays. Le ministre Bunyoni a balayé du revers de la main, les soupçons dans une certaine opinion qui veulent que la police ne s’en prenne uniquement qu’aux quartiers qui ont été impliqués, ces derniers temps, dans le mouvement de contestation du mandat présidentiel jugé "inconstitutionnel" et contraire à l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale dans les milieux de l’opposition et des organisations de la société civile burundaise. Pour le ministre de l’Intérieur et ancien chef de cabinet civil du président de la république, la police se déploie partout où des coups de feu l’interpellent pour rétablir l’ordre et la sécurité. Le président Nkurunziza a fini par se faire réélire sur un score confortable de près de 70% des suffrages exprimés, le 21 juillet dernier, pour un troisième mandat de cinq ans qui fera de lui, à terme, le premier chef de l’Etat burundais à avoir passé le cap de 15 ans d’affilée au pouvoir par les urnes. Le mouvement de contestation de son troisième mandat semble prendre, de plus en plus, l’allure d’un «baroud d’honneur» face aux "gesticulations" de l’opposition dont la plupart des leaders sont soit en exil à l’étranger, soit dans la clandestinité à l’intérieur du pays. Cette posture de l’opposition interne et externe ne lui permet plus comme avant de galvaniser les troupes en proie à la fatigue et qui risquent de se résigner à la nouvelle donne politique nationale et au fait accompli du verdict des urnes que brandit le pouvoir, dit-on dans les milieux des analystes politiques avisés à Bujumbura. L’autre élément de poids qui plaide en faveur du triomphe du troisième mandat de Pierre Nkurunziza est que, dans leur majorité, les corps de défense et de sécurité affichent pour le moment une fidélité sans faille aux institutions fraîchement élues. Les mêmes analystes sont réconfortés dans leur thèse par le fait que la parenthèse de tentative de putsch de certains hauts gradés de l’armée et de la police nationales, de mai dernier, semble avoir été fermée, hormis quelques velléités encore entretenues par certains chefs mutins rescapés de revenir à la charge. Le fait que le parti présidentiel dispose d’une majorité parlementaire absolue et d’un gouvernement tout aussi monocolore sont autant d’autres atouts pour faire face à l’adversité, de l’avis des mêmes analystes. Le pouvoir peut encore s’enorgueillir d’avoir su récupérer un précieux "joker" dans sa quête d’une légitimité nationale et internationale, en se joignant les services d’un ancien chef de file de l’opposition, Agathon Rwasa. L’ancien chef historique des forces nationales de libération (FNL) a finalement accepté, contre toute attente de ses alliés, le poste de vice-président de la nouvelle Assemblée nationale, et partant, de numéro trois de l’exécutif, après avoir pourtant pris une part active dans la contestation du troisième mandat présidentiel, notamment par un appel au boycott des différents scrutins des élections générales de cette année. M. Rwasa a encore multiplié, ces derniers jours, des sorties dans la sous-région du Burundi, aux côtés des délégués du pouvoir, pour expliquer l’évolution «positive» de la situation politique nationale et tenter de redorer l’image du pays qui a été considérablement ternie par les mois passés de crise électorale sans précédent. La grande source d’inquiétude pour le pouvoir en place à Bujumbura reste la position de la communauté internationale dont certains membres, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis d’Amérique en tête, qui menacent le régime du président Nkurunziza de sanctions économiques, si entre temps il n’y avait pas de reprise du dialogue avec l’opposition sur la base de l’Accord d’Arusha qui prévoit un partage des responsabilités étatiques à différents niveaux entre toutes les sensibilités sociopolitiques et ethniques du pays. La communauté internationale s’est encore montrée avare en félicitations après la réélection du président Nkurunziza et seules la Chine, la Russie et l’Egypte se sont acquittées de ce devoir diplomatique d’usage courant en temps normal. Le Burundi dépend pour plus de 50% des aides bilatéraux et multilatéraux extérieures pour son développement socio-économique qui a pris un sérieux coup, ces derniers temps, de crise électorale alors qu’il était déjà structurellement mal en point, déplore-t-on dans les milieux d’affaires à Bujumbura. On estime aujourd’hui encore à près de 70% de la population totale du Burundi qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins d’un dollar par jour, et qui aspirent à une vie politique et sécuritaire plus normale pour se sortir de la pauvreté endémique. |