Le Monde, 13.11.2015 La réunion du Conseil de sécurité n’aura duré qu’une minute. Le temps pour ses quinze membres de voter à l’unanimité une résolution sur le Burundi, mercredi 12 novembre, et d’envoyer un signal fort aux autorités de Bujumbura qui sont maintenant sous le radar onusien. La résolution exige une réunion d’urgence entre le gouvernement et les membres de l’opposition et assure que le Conseil pourrait envisager des mesures additionnelles contre « les acteurs burundais dont les actes et les actions contribuent à perpétuer la violence et bloquent la recherche d’une solution pacifique ». Elle demande par ailleurs au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon de revenir « dans 15 jours » au Conseil de sécurité avec des « options sur une future présence de l’ONU » au Burundi.
Paris avait décidé de jouer la montre sur ce dossier qui fait craindre de possibles dérives génocidaires des autorités burundaises, dans une région où les heurts entre Tutsis et Hutis ont jalonné l’histoire post-coloniale et où une guerre civile a fait 300 000 morts entre 1993 et 2006. Pas de sanctions Un projet de résolution avait déjà circulé lundi 9 novembre. Ce texte prévoyait des sanctions envers les responsables de violence. Mais le réalisme a poussé les Français a accepté une résolution légèrement en deçà pour satisfaire les membres africains du Conseil de sécurité et la Russie, qui s’opposaient à l’idée d’instaurer un régime de sanctions, jugé « contre-productif ». Le Conseil de sécurité laisse à l’Union Africaine, qui a commis un communiqué le 17 octobre dernier appelant à des sanctions ciblées, le soin d’aller plus loin sur cette question. « Mais c’est une décision non contraignante », assure un diplomate, « qui a peu de chance d’aboutir à quoi que ce soit ». La France se défend pour autant d’avoir adopté une résolution a minima, qui placerait l’Union Africaine en acteur principal pour résoudre cette crise. « C’est un pas en avant important » a souligné le représentant français à l’ONU, François Delattre, qui estime que cette résolution est le témoignage de la « mobilisation pour briser l’engrenage de la violence ». L’ONG Human Rights Watch a elle aussi salué le vote de cette résolution « qui envoie un message fort aux autorités burundaises. Mais l’escalade des violences doit pousser l’ONU à agir vite en envoyant une équipe de haut niveau au Burundi pour évaluer comment aider le pays à éviter le pire » a estimé Philippe Bolopion, son responsable ONU. Un déploiement de casques bleus envisagé Le Conseil de sécurité, en abandonnant l’idée de sanctions, mais en assurant être saisi de l’affaire, joue clairement la carte de la négociation et de la pression politique avec le gouvernement de Pierre Nkurunziza. L’ONU a d’ailleurs annoncé lundi 9 novembre, la nomination de Jamel Benomar, l’ancien émissaire au Yémen, qui sera chargé d’assurer une médiation politique. Mais le gouvernement burundais semble peu disposé à l’idée d’une quelconque négociation, à l’image de son ministre des relations extérieures, Alain Aimé Nyamitwe, qui avait assuré au Conseil, lundi 9 novembre par visioconférence, que « le Burundi ne brûle pas. Tout le pays est calme et les citoyens vaquent à leurs activités dans la quiétude, excepté quelques endroits circonscrits, dans certains quartiers de Bujumbura, où des petits groupes de criminels armés s’activent encore. » La résolution ne fait pas explicitement référence au déploiement d’une force onusienne – casques bleus ou forces de police – au Burundi. Mais les diplomates ne cachent pas que l’option est envisagée si la situation devait devenir incontrôlable, au risque de mener « dans le pire des cas à un génocide », selon l’ambassadeur britannique Matthew Rycroft, qui a cité la Monusco, déployée en RDC, comme possible pourvoyeur de troupes. Son acolyte américaine Samantha Power a estimé qu’il fallait se préparer à toutes les possibilités au Burundi « y compris les plus sombres ». Mais l’envoi de troupes nécessite l’accord des autorités burundaises, ce qui semble peu probable, ou une nouvelle résolution contraignante du Conseil de sécurité. Mais là encore, la Russie, la Chine et les membres africains risquent de freiner l’interventionnisme des Occidentaux. Par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondance) |