La Libre Belgique, 27/01/2010 Les moustiquaires de Vanackere Marie-France Cros - Envoyée spéciale au Burundi Le ministre a lancé une campagne de lutte contre la malaria, la première tueuse. Kizina est un village de 578 ménages, dans la fertile plaine de l’Imbo, au nord de Bujumbura, au milieu des rizières. A l’ombre des manguiers, papayers, bananiers, palmiers à huile et orangers s’élèvent de petites maisons de pisé de deux ou trois pièces, au sol de terre battue, presque dépourvues de meubles. Elles sont entourées de potagers où le maïs côtoie les haricots et les courges. Devant la porte, du riz, des cossettes de manioc et des épis de maïs blanc sèchent sur des nattes.
Plus loin, des femmes surveillent un étal de petits tas de charbon de bois; il en faut deux pour cuire de la pâte de manioc et de la sauce, quatre à cinq pour preparer des haricots en plus - le repas courant ici. Un seul de ces petits tas coûte 200 F burundais; un paysan sans terre, qui travaille celle des autres, gagne 1 500 FBu par jour. Celui-là ne peut se payer du charbon de bois; il cuisine sa nourriture sur un feu de brindilles glanées dans la campagne. Ici, on mange de la viande - rire gêné des paysannes qui me renseignent - "trois fois par an, quand on a vendu la récolte de riz". Et les familles mangent une fois par semaine de petits poissons du lac Tanganyika. On n’a pas de lait pour les enfants. On fait "un ou deux repas par jour". Les paysans sans terre souffrent un peu de malnutrition. La plaine de l’Imbo est fortement impaludée. Récemment, huit enfants du village sont morts de malaria en une seule semaine. C’est donc ici que le ministre burundais de la Santé, le Dr Emmanuel Gikoro, et la Croix-Rouge (aidée par celle de Flandre), qui compte 130 000 volontaires dans tout le pays, vont lancer leur nouvelle campagne de promotion des moustiquaires imprégnées d’insecticide - le meilleur moyen de lutter contre le paludisme. Le ministre belge des Affaires étrangères, Steven Vanackere, est attendu pour inaugurer la campagne. Il est accueilli par des chants et des danses et se prête volontiers au jeu du volontaire qui montre comment fixer la moustiquaire au-dessus du matelas, en l’accrochant à des clous plantés haut sur le mur. Puis, le ministre belge accompagne l’équipe de la Croix-Rouge dans sa tournée du village, destinée à vérifier si les maisons qui en disposent déjà ont placé correctement les trois moustiquaires par ménage distribuées gratuitement. Une précédente campagne de distribution, il y a deux ans, plus au nord, avait partiellement échoué, parce que nombre de ses bénéficiaires, trop pauvres, revendaient les protections pour s’acheter à manger. Une campagne d’explication soulignant l’importance des moustiquaires pour préserver la vie a donc précédé la distribution. Le petit cortège de volontaires de la Croix-Rouge et d’officiels passe devant l’église du village. Des chants y attirent Steven Vanackere : une petite foule de femmes prie tout haut à côté de malades. Car les paysans préfèrent amener les victimes de la maladie à l’église plutôt qu’à l’hôpital, à 5 km de là. Les bénévoles de la Croix-Rouge doivent donc vérifier que les médicaments pour soigner la malaria sont pris correctement. Au Burundi, il n’y a qu’une trentaine de médecins qui exercent dans l’intérieur du pays; les autres, une cinquantaine, travaillent à Bujumbura, plus confortable. "Beaucoup de médecins, ici, ne pratiquent pas leur art", explique Matthieu Destrooper, responsable local pour la Croix-Rouge flamande, "mais remplissent des fonctions de gestion" à la Province ou dans un ministère. "Et il y a plus de médecins burundais pratiquant en France qu’au Burundi", ajoute-t-il. Ils sont restés en Europe après leur formation, attirés par les salaires français. Au Burundi, un médecin gagne environ 200 euros par mois (depuis six mois; auparavant, c’était 75 euros). Enfin Steven Vanackere a visité, avant de regagner Bruxelles, l’hôpital Prince Régent Charles, construit sous la tutelle belge à Bujumbura. La coopération belge finance la rénovation des bâtiments. |