Vatican News, 29 mai 2020 Lundi 25 mai, la commission électorale nationale indépendante (CENI) burundaise a déclaré Evariste Ndayishimiye, vainqueur de l’élection présidentielle du 20 mai, avec un peu plus de 68% des voix. Une large victoire obtenue après un scrutin dont le déroulement a été contesté par le parti du chef de l’opposition et la Conférence des évêques du Burundi. Dans communiqué commun, les diplomates en poste dans le pays encouragent «tous les acteurs du processus électoral à préserver un climat pacifique».
Si la victoire du général Évariste Ndayishimiye à cette élection présidentielle n’est pas une surprise, les semaines à venir comportent davantage d’incertitudes. Non pas tant vis-à-vis de l’accession au pouvoir de l’héritier de Pierre Nkurunziza, que du maintien d’un climat de paix dans le pays après l’annonce d’un résultat douteux. La réaction des évêques Le scrutin s’est déroulé sans débordement de violences, mais dans un message publié mardi soir, la Conférence épiscopale du Burundi a déploré «beaucoup d'irrégularités quant à la liberté et la transparence du processus électoral ainsi qu'à l'équité dans le traitement de certains candidats et des électeurs». Elle dénonce «l'exclusion de mandataires et d'observateurs des lieux de dépouillement du scrutin, l'intimidation et les contraintes exercées sur certains électeurs par des administratifs qui les accompagnaient jusque dans les isoloirs, l'intrusion de personnes non autorisées dans les lieux de comptage». «Face à ces irrégularités et bien d'autres, nous nous demandons si elles ne portent pas préjudice aux résultats» définitifs qui seront proclamés le 4 juin prochain par la Cour constitutionnelle, s’interrogent les évêques. Une population résignée Des irrégularités semblables à celles dénoncées par le parti du chef de l'opposition, Agathon Rwasa, officiellement arrivé deuxième - avec 24,19% des voix contre 68,72% pour Évariste Ndayishimiye. Le Conseil national pour la liberté (CNL) a dénoncé «une mascarade électorale» et annoncé son intention de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle. Si le recours de l'opposition est rejeté, le vainqueur sera investi en août pour un mandat de sept ans renouvelable une fois, à la fin du mandat du président sortant au pouvoir depuis 2005. Selon Christian Thibon, professeur d’Histoire à l’université de Pau, il y a peu de chances que ce recours aboutisse. La tournure générale des évènements va donc «dépendre de la façon dont le nouveau président […] va prendre en considération le fait que ces élections ne se sont pas déroulées normalement». Les 11 millions d’habitants de ce pays de l’Afrique des Grands Lacs, entièrement contrôlé par les combattants de la rébellion hutu des années 1990 dont est issu le nouveau président, sont quant à eux «très résilients», «apparemment soumis». Une certaine «désespérance» est palpable après le résultat de l’élection, même si l’arrivée du nouvel homme fort du CNDD-FDD peut alimenter l’espoir d’une ouverture. «Tout le monde est dans l’attente d’une solution à la crise» déjà présente depuis cinq ans, note Christian Thibon. Éviter une nouvelle explosion de la violence En 2015, la candidature du président Pierre Nkurunziza, à un troisième mandat controversé avait en effet plongé le pays dans une crise politique majeure, qui a fait au moins 1 200 morts et poussé à l'exode quelque 400 000 Burundais. Il avait annoncé en 2018 qu'il ne serait pas candidat à sa succession. Le Burundi pourrait-il donc à nouveau plonger dans la violence? Pour Christian Thibon, «il peut y avoir des débordements, essentiellement de la part des “jeunesses politiques”» ou Imbonerakure, la milice du parti, qui constituent un «élément de déstabilisation». Par ailleurs, «il y a toujours cette culture de guerre en germe dans la vie politique» burundaise. Le calme qui semble régner pour l’heure est donc fragile. Dans leur communiqué publié mercredi, les diplomates en poste au Burundi ont choisi d’appeler l'opposition à privilégier les voies de recours légales pour contester les résultats, sans faire mention d’irrégularités dans le déroulement du scrutin présidentiel. Ces diplomates, parmi lesquels les ambassadeurs d'Allemagne, de Belgique, de France, de l'Union européenne, ou encore la chargée d'affaires des États-Unis, disent encourager «tous les acteurs du processus électoral à préserver un climat pacifique» et «exhorte donc tous les acteurs nationaux à faire preuve de responsabilité». Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
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