RFI, 14/05/2021 Cela paraît à peine croyable, mais c’est bien ce qui va se passer. Les étrangers présents au Danemark et qui voudront demander l’asile devront maintenant le faire depuis le Rwanda, en Afrique.
C’est ce que l’on appelle l’externalisation des demandes d’asile. Imaginez un réfugié, un clandestin, qui après avoir traversé la Méditerranée se retrouve au Danemark et y demande l’asile. Il va être enregistré, puis il sera mis dans un avion en direction du Rwanda, où il pourra faire sa demande dans un centre de réfugiés. Le royaume nordique a cherché des accords avec plusieurs pays, dont la Tunisie, l’Éthiopie, mais c’est avec le gouvernement du Rwanda qu’un protocole d'entente a été signé. Toutes ces négociations ont duré des mois. Deux ministres danois étaient a Kigali fin avril et l'accord a été publié sur Twitter. Vers une migration zéro Le but est-il de limiter l’immigration clandestine ? Et l’immigration tout court ? Le ministre danois de l'Immigration Mattias Tesfaye, lui-même fils de réfugié, assure que le système sera « plus humain et équitable », car il réduira les flux sur les routes migratoires, où l’on risque sa vie. Mais c’est vrai que l’objectif est d’arriver à une migration zéro. Quel réfugié dans ces conditions viendrait tenter sa chance au Danemark ? Le pays d’ailleurs n’en est pas à son coup d’essai : il est aussi le premier en Europe à avoir révoqué le statut de ses réfugiés syriens, en estimant que la paix était revenue dans le pays et qu’ils pouvaient y retourner. On peut quand même se poser la question de l’utilité de ces nouvelles mesures, car en 2020, à peine plus de 1 500 personnes ont demandé l'asile dans le pays scandinave, le chiffre le plus bas depuis 1992. Pression de l’extrême-droite Au Danemark, les réactions sont contrastées. Du côté des associations de défense des droits de l’homme, on est consterné. Si d'autres pays imitent le Danemark, c’est le droit d’asile qui est remis en cause. Mais une grande partie de la population, aussi, approuve. Il faut dire qu’en Scandinavie, la vague de réfugiés de 2015 a été un véritable traumatisme pour certains. Et puis il y a la pression de l’extrême droite. C’est une Première ministre social-démocrate qui a pris cette décision au Danemark, mais c’est bien l’extrême-droite qui a imposé son agenda. C’est à peu près le même tableau en Suède, souvent présentée comme un modèle de tolérance, qui va faire voter d'ici à l'été une réforme de ses lois migratoires. On n’en est pas encore au stade danois, mais les étrangers installés en Suède ne vont plus avoir droit à des cartes de séjour permanent, le regroupement familial va être plus difficile. C’est vraiment la fin d’une époque.
Le Rwanda assure qu’il ne s’est pas engagé à recevoir des demandeurs d’asile du Danemark Démenti formel de la part de Kigali face à la polémique qui enfle dans le pays scandinave. Les députés danois sont en effet en train de débattre d’une loi qui permettrait de sous-traiter l’accueil des demandeurs d’asile et la prise en charges des réfugiés à des pays tiers juste après la visite, fin avril, du ministre danois de l’Immigration à Kigali. Un protocole d’entente sur les questions d’asile et de migration a bien été signé, le 27 avril à Kigali, par les autorités rwandaises et danoises, mais il n’entérine pas l’envoi de demandeurs d’asile du Danemark vers le Rwanda, souligne un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Ou en tout cas pas encore, puisqu’il semble que ce soit tout de même un projet, ou en tout cas une volonté du Danemark. On peut en effet lire dans le préambule du texte, qui n’est pas juridiquement contraignant, que le gouvernement danois estime que les demandes d’asile devraient être faites en dehors de l’Union européenne. Le Rwanda apparaît comme un candidat idéal, puisque le pays accueille déjà depuis plus d’un an des centaines de réfugiés évacués de Libye, dans l’attente d’une solution d’asile en Europe ou ailleurs. Un programme d’urgence de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) visant à sortir les personnes les plus vulnérables des centres de détention libyens, mais qui, selon certains observateurs critiques, a ouvert la voie à une externalisation des demandes d’asile pour les pays européens. Pour le HCR au Rwanda, le projet du Danemark serait en tout cas « contreproductif », puisqu’il enverrait des réfugiés supplémentaires dans un pays qui en accueille déjà plus de 130 000. |