@rib News, 17/08/2021 – Source AFP Paul Rusesabagina, dont l’histoire a inspiré le film « Hotel Rwanda » et qui est devenu un féroce critique du président rwandais Paul Kagame, sera fixé vendredi sur son sort, après des mois d’un procès controversé, au cours duquel il était notamment jugé pour « terrorisme ». [Photo : En novembre 2005, Paul Rusesabagina avait reçu la « Médaille de la Liberté » à la Maison Blanche, des mains de George W. Bush, alors président des Etats-Unis. - EPA]
L’ancien directeur de l’Hôtel des Mille Collines à Kigali a été rendu célèbre par le film « Hotel Rwanda » sorti en 2004, qui raconte comment ce Hutu modéré a sauvé plus de 1.000 personnes durant le génocide qui a fait 800.000 morts, principalement des Tutsi, en 1994. Aujourd’hui âgé de 67 ans, il a été jugé à Kigali de février à juillet, avec une vingtaine d’autres personnes, pour son soutien présumé au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d’avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda. Il est visé par neuf chefs d’accusation, dont celui de « terrorisme ». La prison à vie a été requise contre lui. M. Rusesabagina et ses avocats ont boycotté les audiences depuis mars, dénonçant un procès « politique » rendu possible par son « enlèvement » organisé par les autorités rwandaises, ainsi que des mauvais traitements en détention. Les Etats-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, le Parlement européen et la Belgique, dont il est ressortissant, ont exprimé leurs préoccupations sur les conditions de son arrestation et l’équité du procès. Face aux critiques, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a dénoncé dimanche un double discours. « Les Africains/Rwandais ne doivent-ils pas se protéger des attaques de groupes armés organisés par des dissidents ? Ou faut-il refuser la justice aux victimes civiles innocentes parce que l’un des 21 suspects est célèbre à l’étranger ? », a-t-elle écrit sur Twitter. L’ancien hôtelier est depuis plus de 20 ans un opposant à Paul Kagame, qu’il accuse d’autoritarisme et d’alimenter un sentiment anti-Hutu. Sa notoriété hollywoodienne lui a permis de donner un écho mondial à ses positions, de plus en plus virulentes, contre le régime. Vivant en exil aux Etats-Unis et en Belgique depuis 1996, l’ancien hôtelier a été arrêté à Kigali dans des circonstances troubles, à la descente d’un avion qu’il pensait à destination du Burundi. Le gouvernement rwandais a admis avoir « facilité le voyage » vers Kigali, mais affirmé que l’arrestation était « légale » et que « ses droits n’ont jamais été violés ». Paul Rusesabagina a participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé. Mais il nie toute implication dans des attaques menées par ce groupe en 2018 et 2019, qui ont fait neuf morts. Les cinq mois de procès ont vu des témoignages contradictoires sur son rôle. Ancien responsable et porte-parole du FLN, Herman Nsengimana a ainsi déclaré qu’il n’a « pas donné d’ordres aux combattants du FLN ». Un autre coaccusé, Callixte Nsabimana, a, lui, affirmé que tous les ordres venaient de Rusesabagina. « En tant que dirigeant, soutien et partisan du MRCD/FLN, il a encouragé et permis aux combattants de commettre ces actes terroristes contre le Rwanda », a estimé l’un des procureurs, Jean Pierre Habarurema. Il était « la personne qui a donné les ordres », a affirmé un autre, Bonaventure Ruberwa. La famille et les proches de Rusesabagina ont dénoncé un procès qui a été une « farce du début à la fin », « un spectacle mis en place par le gouvernement rwandais pour faire taire un critique et refroidir toute dissidence future », selon la Fondation Hotel Rwanda qui le soutient. « Mon père est un prisonnier politique (…) visé par des accusations inventées et zéro preuve ont été présentées contre lui au tribunal », a affirmé en juin sa fille adoptive Carine Kanimba. Pour une responsable de l’opposition Victoire Ingabire, qui a passé six ans en prison pour terrorisme, le verdict ne fait guère de doute. « Dans un pays où la liberté est limitée, tout le pouvoir est entre les mains de l’exécutif », a-t-elle déclaré à l’AFP : « Comment un juge oserait-il prendre une décision incompatible avec les volontés du président de la République ? ».
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