@rib News, 07/02/52013 Au lendemain de l’incendie du marché de Bujumbura, le Syndicat Général des Commerçants (SYGECO) vient d’être rayé, par le ministère de la Fonction publique, de la liste des syndicats reconnus au Burundi. Il avait été agréé en 2010 et les commerçants du marché central étaient des syndicalistes très actifs dans leur organe. « Nous sommes étonnés par cette décision », a lancé jeudi le président du SYGECO Audace Bizabishaka, dans un entretien avec les journalistes à Bujumbura. C’est un coup de poignard dans le dos des commerçants burundais en général et plus particulièrement ceux du marché central de Bujumbura.
Sans donner beaucoup de détails sur les raisons de la suspension de son syndicat, M. Bizabishaka évoque l’anarchie qui s’installe petit à petit. Le syndicat des commerçants burundais était devenu ces derniers jours une bête noire pour les Banques locales car considéré comme un organe d’expression des commerçants qui ont perdu leurs biens dans l’incendie qui a ravagé, dans la matinée du dimanche 27 janvier, le marché central de Bujumbura. « Le malheur ne vient jamais seul » Plus de 100 commerçants s’étaient donné rendez-vous ce jeudi dans les locaux de la Cathédrale Régina Mundi pour l’enregistrement de ceux qui ont perdu leurs biens dans l’incendie. Cependant vers 11h, les choses se sont déroulées autrement. La lettre de suspension avait déjà été transmise au président du Syndicat Général des Commerçants (SYGECO) M. Audace Bizabishaka. « Le malheur ne vient jamais seul, le Gouvernement veut nous empêcher de parler, de réclamer nos droits » lance une femme commerçante au marché de Bujumbura, les larmes aux yeux. « Nous n’allons pas désarmer, le SYGECO est notre canal d’expression et s’il est effacé c’est une condamnation à mort, on ne peut pas l’accepter », laisse entendre une autre personne cette fois-ci fâchée. Ces commerçants ont dû quitter leur réunion sans rien faire suite à cette dissolution de leur syndicat, car c’était ce même syndicat qui devrait tenir cette réunion. Menaces La mesure de la ministre Annonciate Sendazirasa est tombée au moment où les syndicats des travailleurs étaient en pleines négociations avec elle à Gitega sur la nouvelle politique salariale du Gouvernement Nkurunziza, dite « harmonisation des salaires ». Les représentants syndicaux ont interrompu momentanément leurs travaux avec la ministre et l’ont averti qu’ils allaient entreprendre des actions si la mesure de suspendre le SYGECO n’était pas levée. Selon le message des syndicats présents, le ministère de la Fonction publique n’a pas le droit de se mêler ni de la gestion des syndicats ni dans leurs revendications. Le président de la Confédération Syndicale Burundaise (COSYBU - regroupant une dizaine de syndicats , M. Tarcisse Gahungu, souligne que même d’autres mesures seront prises si la ministre tente de signer ce mal. « Le ministère ne peut pas dissoudre un syndicat par mesure administrative », laisse savoir le patron du COSYBU. Renforcement de la suspicion Selon le Délégué Général du Forum de Renforcement de la Société Civile (FORSC), Pacifique Nininahazwe, la dissolution du SYGECO ne vient pas pour faciliter les relations entre les commerçants du marché de Bujumbura et le Gouvernement. « Ce n’est pas le bon moment de prendre cette décision », regrette le Délégué Général du FORSC. Au moment où certaines langues commencent à se délier dire que l’origine de l’incendie serait plutôt criminelle qu’accidentelle, M. Nininahazwe déplore que les relations entre les membres du Syndicat des commerçants et le Gouvernement soient ainsi entachées et que cela va renforcer la suspicion selon laquelle certains responsables sécuritaires savent beaucoup de choses sur l’incendie. Il appelle le Gouvernement et surtout la ministre de la Fonction Publique d’arrêter dans l’immédiat la mesure de suspendre le SYGECO. Les anges gardiens du Général Adolphe Nshimirimana Au moins quatre commerçants du marché de Bujumbura, parmi ceux qui ont perdu leurs biens lors de l’incendie, suspectent certaines personnes de vouloir « accuser injustement » le patron du Service National de Renseignement (SNR), Général Adolphe Nshimirimana, d’avoir organisé et mis en application le plan de mettre le feu au marché de Bujumbura. Ces commerçants, qui ont signé une pétition, accusent certains médias, les organisations de la société civile et certains partis de politiser la question de l’incendie du marché de Bujumbura. Selon eux, c’est l’occasion pour certaines personnes de noircir l’image de celui qui est considéré par eux comme un héros invincible aux allures de Rambo ou Jackie Chan. Au Gouvernement motus et bouche cousue Alors que cette mesure de suspendre le Syndicat des commerçants suscite des émois dans tous les milieux, le Gouvernement n’a pas encore réagi. La ministre Sendazirasa, pièce maitresse dans cette décision, n’a pas encore réagit. Elle avait pourtant promis de réagir mais n’a pas encore dit quelque chose. Depuis Gitega, la Ministre n’a pas voulu répondre aux questions des journalistes qui la sollicitaient. Cependant, des sources proches de ce ministère disent que la mesure pourrait être suspendue. Le marché central de Bujumbura avait pris feu le 27 janvier 2013 vers 7h du matin. Les camions pompiers qui sont arrivés 2 heures plus tard n’ont pas réussi à éteindre le feu malgré même l’intervention d’un hélicoptère rwandais. Quelques jours après l’incendie certains responsables de sécurité, surtout le service renseignement, ont été pointé du doigt. Des voix se sont élevées évoquant l’existence un plan de destruction du marché de Bujumbura, pour récupérer la place de ce marché pour le donner à un autre bailleur afin d’y ériger un supermarché de standards internationaux. Actuellement les gens ne semblent pas avoir de confiance pour la commission d’enquête nommée par le Procureur de la République et dont le rapport sera disponible dans deux mois. Les tenants du pouvoir, eux demandent de la retenue et la discipline en attendant les résultats des enquêtes. [JMM] |