@rib News, 18/05/2014

De notre correspondant à Bruxelles, Jérôme Bigirimana - (Avec reportage photos)

Les deux ténors de l’opposition radicale, aujourd’hui en exil, Léonard Nyangoma du Conseil National pour la Défense de la Démocratie (CNDD) et Alexis Sinduhije du Mouvement pour la Démocratie et la Solidarité (MSD), ont animé, samedi à Bruxelles, une conférence publique dans laquelle ils ont annoncé qu’ils iront aux élections l’année prochaine, malgré un « régime de terreur » que leur oppose le président Nkurunziza et plusieurs entraves à l’exercice des droits civils et politiques au Burundi.

Dans une salle archicomble, ils étaient plus de 160 participants à venir écouter et échanger avec les deux leaders incontestés de l’opposition burundaise, autour du thème « Comment préparer les élections libres, démocratiques et apaisées en 2015 au Burundi».

Dans un document distribué à l’assemblée, l’Alliance Démocratique pour le Changement (ADC-Ikibiri), à laquelle font partie le CNDD de Nyangoma et le MSD de Sinduhije, décrypte d’abord la situation politiqueet sécuritaire au Burundi en 11 principales menaces qui pèsent sur les prochaines élections.

Entre autres une commission électorale dépendante de Nkurunziza ; la dislocation des partis politiques et de leur leadership ainsi que la restriction des libertés politiques, la milice paramilitaire des jeunes Imbonerakure qui devient de plus en plus incontrôlable, plus fort que l’armée, la police et l’administration ; le cadre légal des élections aux nombreuses lacunes mais aussi des médias publics devenus des instruments de propagande exclusivement réservés à la majorité présidentielle et une radiotélévision Rema FM qui verse dans l’apologie de la violence.

Mais il s’agit également du fameux 3è mandat de l’actuel président Pierre Nkurunziza alors la constitution actuelle prévoit uniquement 2 mandats ; les poursuites judiciaires à l’encontre des leaders et militants de l’opposition ainsi que  la sécurité des élections qui sera compromise par une police inféodée au club présidentiel et sans formation y afférent. Sans oublier ce que l’opposition qualifie d’instruments de propagande à la solde de Nkurunziza et du CNDD-FDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie) : la Commission Nationale Terre et Autres Biens (CNTB) et très récemment la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation par la seule majorité présidentielle.

Par ailleurs, Nyangoma est longuement revenu sur le Code électoral qui, estime-il, reste très lacunaire et évasif. Selon lui, ce Code récemment approuvé par l’Assemblée nationale et qui sera applicable aux prochaines électionsnécessiteraitencore au moins 70 amendements surtout en ce qui concerne le fichier électoral, la carte d’identité et l’inscription au rôle, le financement de la campagne électorale, les recours possibles.

Face à cette situation, Nyangoma a appelé à une ADC plus forte et solidaire. « l’ADC doit constituer encore d’avant-garde des forces démocratiques burundaises destinées àdébattre et à prendre ensemble des mesures salutaires pour l’avenir de la démocratie dans notre pays. Nous devons continuer à agir ensemble sans perdre chacun son identité et son idéal et nous devons nous réjouir déjà du pas franchi car le pouvoir fait tout pour nous diviser et nous restons soudés comme un roc. Nous devons sans cesse privilégier notre intérêt commun, nos valeurs communes, nos menaces communes nos enjeux communs, nos faiblesses communes et nous convaincre que l’union fait la force. L’idéal serait de lutter ensemble, vaincre ensemble, gérer ensemble chacun selon les résultats du scrutin», a exhorté le président du CNDD.

Et contrairement aux élections de 2010 où ADC-Ikibiri avait boycotté la suite des élections après accusé le camp Nkurunziza de fraudes lors des communales, les deux dirigeants politiques ont affirmé samedi qu’ils iront aux élections de 2015 quoi que fasse Nkurunziza.

«Nous devons aller aux élections. Même si je suis à l’extérieur, le MSD sera aux élections avec les autres partis qui sont dans la coalition. Seulement ce qu’il faut faire, il faut les [les FDD] surveiller. Ils vont nous taper dessus, ils vont même nous tuer. Mais il faut être prêt d’accepter la mort. Le remède de la liberté c’est apprivoiser la mort. On ne pourra rien avoir sans trimer. Nous devons accepter les risques. On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. On ira aux élections quelque soient les problèmes, les risques. Nous allons faire face à la terreur de Nkurunziza jusqu’ à ce que, s’il devait nous voler 30%, qu’il nous vole 15 et nous allons bien les utiliser et construire à partir de ces 15% », a martelé Sinduhije.

Sur une question posée par un participant concernant le rapport de forces entre ADC-Ikibiri et le gouvernement de Nkurunziza, le président du MSD a indiqué que Nkurunziza a déjà perdu les élections si celles-ci sont réellement démocratiques. Selon Sinduhije, l’ADC-Ikibiri a mis en difficulté Nkurunziza sur le plan politique et diplomatique et aujourd’hui il se retrouve isolé sur le plan international.

« Aujourd’hui, je peux vous dire que s’il y a des élections libres et transparentes, Nkurunziza ne les gagne pas. Ici, je donne ma main à couper : qu’il soit courageux et qu’il parvienne à les organiser, mais qu’il les organise libres, justes et transparentes, il ne les gagnera pas. Parce que Nkurunziza n’a que la force militaire (la police, l’armée et ses Imbonerakure). Mais sur le plan politique, diplomatique et médiatique, Nkurunziza a déjà perdu. », a  parié cet opposant farouche souvent dans la ligne de mire du régime Nkurunziza. 

Selon toujours Sinduhije, ce qui s’est passé depuis le début de cette année au Burundi et surtout le 8 mars dernier, aurait disqualifié Nkurunziza, et aujourd’hui il se trouverait qu’il soit perçu comme une menace pour la sécurité de la région et qui peut exposer son pays à la violence de grande envergure.

Malgré les torts que le président Nkurunziza fait subir à l’opposition, Nyangoma et Sinduhije ont assuré au public présent que l’ADC reste ouverte au dialogue et qu’elle ne va rétorquer à Nkurunziza la haine. Ils assurent qu’ils combattront la haine et l’injustice au lieu de combattre Nkurunziza.

Sur ce, Sinduhije déclare : « Je ne soutiendrai pas un gouvernement demain qui va mettre Nkurunziza et les siens en prison. Nous nous combattons contre ce qu’ils font et pas contre les hommes. Nous devons leur montrer que nous sommes capables du débat. Et que rien en dehors de la justice, ne peut se faire contre eux ».

Pour le dialogue et contre la haine certes, mais avec nuance. Car Sinduhije n’a pas manqué de faire un clin d’œil à ses compagnons de l’ADC qu’il ne faut pas donner les 2 joues pour être giflées. Avec humour, il a plutôt appelé à « obéir l’évangile » et à appliquer la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent pour faire face à la terreur de Nkurunziza ».

Consulter le Reportage photos : Clique ici